Il y a un an, le hashtag Pas de vagues, lancé par plusieurs professeurs suite au braquage d’une de leur collègue de Créteil par un élève en plein cours, faisait découvrir (pour ceux qui ne le savaient pas déjà) les maux du corps enseignant. Quelque temps après ce coup d’éclat, les suicides choquant de deux enseignants, Jean Willot et Jean-Pascal Vernet, tous deux pour des menaces de sanctions faisant suite à des accusations fallacieuses, ne firent que remuer le couteau dans la plaie*.
Ce 23 septembre, c’est au tour de Christine Renon, directrice de l’école maternelle Méhul à Pantin (93), de se donner la mort en se jetant de 5m dans le hall de l’école.
Sa lettre, envoyée aux établissements de Pantin juste avant de se suicider, ont touché ses collègues qui se sont reconnus dans son mal-être : elle dénonçait l’indifférence de l’Education Nationale, qui ne se soucie pas de son personnel livré à lui-même, qu’il s’agisse de manque chronique de matériel, du comportement des parents ou des demandes absurdes et chronophages de l’administration. Conséquence de tout cela : une surcharge de travail énorme pour cette directrice, partagée par beaucoup des travailleurs de l’Education nationale.
Tous ces faits ne sont pas isolés et ne dépendent pas seulement d’une question de fragilité personnelle et de succession de faits divers venant remplir la rubrique nécrologique. Au contraire, elles sont le résultat d’une organisation du travail. Comment ne pas relier ces drames avec les diverses réformes de l’enseignement de ces dernières années ? Par exemple, la fameuse loi ORE, qui a créé Parcoursup, ce système devant aider les jeunes bacheliers à trouver des formations mais qui s’est avéré être un système opaque, permettant une sélection plus ou moins déguisés des lycéens selon des critères comme le lieu de résidence ou la réputation du lycée de l’élève. Un système qui – l’année dernière et cette année encore – a laissé des élèves sans formations à la rentrée, obligeant les professeurs et l’administration locale à se débrouiller pour essuyer les plâtres.
Ne doit-on pas relier aussi ces problèmes au gel des salaires des fonctionnaires ? A la baisse du recrutement des effectifs, obligeant, de la maternelle au lycée, à faire avec des classes surchargées ?
Et la réforme Blanquer de l’Education nationale ? Cette réforme qui transforme le baccalauréat national en un diplôme local, ce qui signifie qu’un élève bien noté mais diplômé d’un lycée de mauvaise réputation dans le 93 se retrouvera mal classé pour accéder aux universités et aux formations souhaitées, rendant vain ses efforts personnels, de même que ceux des enseignants cherchant à agir au mieux pour leurs élèves.
Nous ne devons pas nous tromper, in fine c’est la privatisation de l’éducation que les gouvernements successifs et l’UE recherchent, car l’éducation est un marché juteux** !
Au sujet de Christine Renon, ses collègues et les organisations syndicales appellent à la grève pour dénoncer le durcissement de leurs conditions de travail. Un rassemblement est prévu devant l’inspection académique de Bobigny à 14h.
*Le taux de suicide des enseignants est 2,4 fois plus élevé que chez la moyenne des salariés avec 39 cas pour 100000.
**Pour donner une idée, lire « Privatisation de l’école, le fiasco suédois » par Violette Goarant, Le Monde diplomatique, septembre 2018.
Rassemblement le 26 septembre à l’école Méhul de Pantin. Source et droits de l’image : http://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/apres-le-suicide-de-la-directrice-d-ecole-a-pantin-les-enseignants-du-93-en-greve-jeudi-29-09-2019-8162403.php
0 commentaires