La France vit actuellement un mouvement de grève d’une vigueur inconnue depuis 1995. Dans un climat de paupérisation généralisée et de baisse du pouvoir d’achat, plus d’un million de travailleurs ont défilé dans toutes les villes de France mardi dernier pour s’opposer à la réforme des retraites engagée par Emmanuel Macron et le gouvernement Philippe sous le patronage de l’Union Européenne et du MEDEF. Malgré des médias presque unanimement solidaires du projet gouvernemental, 62% des français se disent favorable à la grève.
La réforme consiste en une modification du régime des retraites. Il s’agit de supprimer le régime de la cotisation par trimestre (selon lequel les 25 meilleures années cotisées sont comptabilisées pour déterminer le montant de la pension échue au cotisant), remplacé par une retraite à points (les cotisations versées pendant la vie professionnelle du salarié sont additionnées et multipliées par un point d’indice dit de service fixé par le gouvernement).
Est par ailleurs proposé l’adoption d’un âge pivot fixé à 64 ans pour obtenir la retraite à taux pleins, ce qui reculerait l’âge de départ à la retraite de deux ans. Bien que Macron ait dernièrement prétendu, afin de valoriser le rôle de la CFDT une fois de plus jaune, être prêt à des concessions sur ce point, il ne s’agit que d’un leurre destiné à faire passer la pilule du passage à la retraite à points qui aura davantage d’impact sur le régime des retraites. Il est par ailleurs certain que tout recul sur ce point ne serait que temporaire, l’UE préconisant une harmonisation des régimes de retraite des Etats membres alignée sur des pays comme l’Allemagne où l’âge de départ est plus tardif.
Nous nous proposons ici d’examiner brièvement en quoi cette réforme du régime des retraites est défavorable à la jeunesse.
Il est d’abord indéniable que cette réforme pénalise les salariés de la fonction publique, ainsi que les salariés bénéficiant d’un régime spécial plus avantageux (cheminots et EDF par exemple). Les jeunes travailleurs qui auraient pu bénéficier de ses régimes connaîtront ainsi une baisse substantielle de leurs pensions de retraite. Il s’agit d’un nivellement par le bas caractérisé qui ne bénéficie pas aux salariés du privé mais ampute de manière drastique les pensions dues aux jeunes travailleurs du rail ou de l’énergie.
Cependant, les jeunes salariés du privés ou les étudiants qui ne se destinent pas à la fonction publique auraient tort d’accorder du crédit au gouvernement qui oppose les salariés des régimes spéciaux aux salariés du privé, censés être favorisés par la mesure. En effet, rien n’est moins vrai. Dans la mesure où le système à points prend en compte l’intégralité de la vie professionnelle du salarié et non les 25 meilleures années, les emplois précaires et sous-payés qui caractérisent très souvent les premières années d’entrée dans la vie active seront comptabilisés dans le calcul, ce qui mécaniquement entraînera une baisse du montant des pensions. De plus, la modification de l’indice de service étant laissée à la discrétion du gouvernement, il est fortement probable qu’il puisse être diminué ou, à tout le moins, qu’il ne soit pas revalorisé, ce qui conduit là encore à une baisse du niveau des pensions.
Cette première réforme doit être analysée pour ce qu’elle est : une manœuvre grossière pour acclimater les travailleurs français au principe de la retraite par capitalisation. Puisque la pension de la retraite à point s’avèrera le plus souvent insuffisante, les salariés seront encouragés à épargner pour assurer un complément nécessaire à leur retraite. Sous couvert d’unification des régimes de retraite, du maintien d’un système par répartition et d’égalité entre les travailleurs du secteur public et du secteur privé, on favorise donc l’exact inverse : une individualisation du système de retraite et l’exacerbation des inégalités sociales.
Les JRCF appellent donc tous les jeunes à défendre leur droit à la retraite et à refuser en bloc le projet de réforme proposé par LREM. Ils engage la jeunesse à se mobiliser lors des manifestations syndicales et à cotiser, dans la mesure du possible, aux caisses de grève permettant au mouvement de se pérenniser dans la durée. Ils se prononcent en faveur d’une retraite relevant entièrement du régime par répartition prenant en compte les 10 meilleures années de cotisation (patronales), avec départ à 60 ans (âge pouvant être abaissé pour les professions les plus pénibles) et gestion ouvrière de la Sécurité Sociale comme c’était le cas lors de sa création par le communiste Ambroise Croizat.
Dans une perspective plus large, ils insistent sur l’origine patronale et communautaire du projet, dont l’origine n’est pas à trouver ailleurs qu’à Bruxelles, qui fixe l’âge commun de départ de la retraite dans l’UE à 67 ans. Sans Frexit progressiste et sans émergence d’un Parti communiste de classe et de masse en France, de telles réformes sont destinées à être proposées à nouveau par la bourgeoisie et ses relais gouvernementaux, jusqu’à disparition de tous les conquis sociaux obtenus de haute lutte par un prolétariat combatif.
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