JRCF – Bonjour camarades ! Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter brièvement ?
JPC – La Jeunesse Patriote Communiste est l’aile jeunesse du Parti Communiste du Québec, fondée en 2018 pour répondre à l’arrivée grandissante de militants au sein du Parti. Nous sommes une organisation engagée dans la lutte pour l’indépendance du Québec et pour l’instauration du socialisme dans notre pays, le Québec.
JRCF – Vous vous dites tout comme nous « patriotes » et « communistes », mais qu’est-ce que cela signifie pour vous, en tant que Québécois et qu’est-ce que cela implique sur le plan politique ?
JPC – Nous nous disons patriotes pour deux raisons principales. La première est que notre peuple subit la domination d’un autre depuis plus de 260 ans, soit depuis la conquête britannique de 1760. Cela veut dire que nous sommes engagés totalement dans la lutte de libération nationale du Québec, nation distincte qui se voit sans cesse lésée par le « fédération » canadienne, un pays bâti, ou plutôt un projet économique bâti par les conquérants britanniques et par les loyalistes qui ont fui la révolution américaine, sur le dos des peuples québécois/canadiens français, autochtones, acadiens et métis. La fédération canadienne est, comme Lénine le disait de l’empire tsariste, une prison des peuples. Nous considérons que dans les conditions qui prévalent au Québec, l’accession à l’indépendance de la nation québécoise est nécessaire, dans l’intérêt des travailleurs québécois mais aussi canadiens.
L’unité des travailleurs québécois et canadiens ne pourra être accomplie que lorsque l’oppression nationale prendra fin. Au niveau de l’histoire, nous nous référons à la rébellion des Patriotes de 1837- 1838, notre révolution républicaine qui fut réprimée, et du Front de Libération du Québec (1963-1972), mouvement armé marxiste et indépendantiste. Cela va sans dire que si nous soutenons une indépendance d’un point de vue ouvrier, nous n’appuierons pas aveuglément la bourgeoisie nationaliste, même si un travail commun est possible à certains moments donnés. La deuxième raison est que nous considérons qu’un communiste, qu’il soit dans un pays dépendant ou non, doit être patriote. Mais son patriotisme doit être républicain et progressiste, rejetant la xénophobie, le chauvinisme et l’expansionnisme impérialiste. Un communiste doit s’enraciner dans l’histoire populaire de la nation, faire ressortir les aspects les plus progressistes de la culture et de l’histoire d’un peuple. Il doit également être internationaliste. « Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup d’internationalisme ramène à la patrie », comme disait Jean Jaurès. Contre l’uniformisation capitaliste qui voudrait faire de nous des consommateurs assimilés au modèle culturel anglo-américain, nous choisissons l’épanouissement de toutes les cultures, de tous les peuples, dans leur pleine liberté, dans la fraternité et la coopération dans des rapports d’égalité.
Maintenant, que représente le nom de « communiste » pour nous ? Le communisme est tout simplement la réponse logique à la situation dans laquelle le mode de production capitaliste au stade impérialiste nous met à l’échelle de l’humanité. La guerre, l’exploitation du tiers-monde, la crise environnementale, et même la pandémie du COVID-19 : l’expérience du réel nous montre que le capitaliste ne sait pas répondre aux nécessités de notre époque. Le capitalisme va devoir céder sous le poids de ses contradictions, de la gronde des peuples travailleurs. Sur le plan national, nous savons que l’indépendance que propose la bourgeoisie est essentiellement un projet de colonie bananière des États-Unis mais sans l’intermédiaire canadien. L’indépendance doit être politique, économique et culturelle, et cela passe par la sortie du capitalisme et l’entrée dans le socialisme. La libération nationale sera incomplète si nous n’établissons pas le socialisme chez nous.
JRCF – Aussi, votre organisation mère, le Parti communiste du Québec [PCQ] est né d’une division au sein du Parti communiste du Canada-PCQ [Parti communiste du Québec] concernant la question nationale québécoise si je ne me trompe pas. Quelle fut votre position à ce moment-là et quelles relations avez-vous désormais avec votre ancienne organisation ? Est-ce que la tendance est plutôt à l’unification ou à la division ? Aussi, quelle est votre position vis-à-vis du Parti marxiste-léniniste du Québec [PMLQ] et des Jeunes pour le renouveau démocratique [JRD] ?
JPC – En fait, la scission n’a pas eu lieu au sein du PCQ, mais entre le PCC et le PCQ. Dans les statuts du Parti Communiste du Canada, il est indiqué que le PCQ a le droit de choisir ses orientations en toute indépendance du Parti canadien. Or, lors du XVe congrès du PCQ, en 2005, le Parti souhaitait que le PCC endosse et reconnaisse la position du PCQ sur l’indépendance. Le PCC a préféré invalider le congrès, ce qui provoqua la scission, et créer, avec des membres du PCQ précédemment expulsés, un nouveau Parti communiste du Québec (PCQ-PCC), qui adopta les positions exactes dictées par le PCC sur la question nationale. Cette situation n’est que le couronnement de toute une histoire de tensions entre le PCQ et le PCC. Plus d’une fois, le PCC chercha à imposer sa ligne aux communistes québécois.
Nous suggérons de lire « Le droit de se taire » de Robert Comeau et « Les militants socialistes au Québec » d’Henri Gagnon pour plus de détails sur l’histoire du PCC et du PCQ. Dans les années suivant le congrès de 2005, le PCQ a tenté maintes fois de tendre la main au PCC pour rétablir des liens, mais le PCC refusa chaque fois, et n’a de cesse de s’époumoner avec des accusations de nationalisme étroit. Quant à la JPC, nous sommes favorables au rétablissement d’une relation entre le PCC et le PCQ, mais sur la base du respect du programme du parti et de son orientation sur la question nationale, et aussi d’une autocritique de la part du Parti canadien sur son attitude envers les communistes québécois depuis une centaine d’années. Nous souhaitons l’unité des ouvriers du Canada et du Québec, et du monde entier. Mais cela ne peut pas se faire sans une base égalitaire entre les différents partis.
Vis-à-vis du PMLQ et des JRD, nous leurs sommes définitivement sympathiques, et souhaiterions travailler plus étroitement avec eux dans les années à venir. La construction d’un mouvement communiste québécois unis est selon nous une nécessité, pour que la lutte de libération nationale ne soit pas menée que par des bourgeois opportunistes.
Nous saluons également le Parti Communiste du Canada (Marxiste-Léniniste), groupe sœur du PMLQ, qui reconnait notre droit à l’indépendance de manière conséquente, et non par des vœux pieux, comme dirait Staline, tel que le PCC le fait actuellement.
JRCF – Une des luttes actuelles du Pôle de renaissance communiste en France [PRCF] et donc des Jeunes pour la renaissance communiste en France [JRCF] est celle pour la sauvegarde de la langue française. Etant confrontés à cette problématique depuis bien longtemps, quelles sont vos actions au Québec et comment réagissez-vous face aux attaques régulières contre votre culture ?
JPC – En ce qui concerne la langue, nous militons sur le terrain, nous nous impliquons dans les manifestations pour la défense du français. Nous produisons des textes sur la question pour sensibiliser les lecteurs de notre journal, certains écrivent de la poésie. Par la dénonciation de l’anglicisation et par la création, nous tentons, selon nos moyens, d’aider la cause.
Le gouvernement actuel du Québec, mené par François Legault et son parti « nationaliste » et autonomiste, la Coalition avenir Québec [CAQ], nous a promis des mesures musclées pour défendre le français. Et pourtant, il a investi 750 millions de dollars pour agrandir le collège Dawson et l’Université McGill, deux des plus grands établissement scolaires anglophones du Québec, déjà surfinancés. Les CEGEP (collèges) et les universités anglaises sont l’un des plus grands vecteurs d’anglicisation. Cela en dit long sur le nationalisme des bourgeois. Le Mouvement des Jeunes Souverainistes, un mouvement indépendantiste à tendance progressiste, a organisé une manifestation contre ces investissements. Nous avons participé activement à celle-ci. La lutte pour le français au Québec est ardue, puisqu’elle se joue sur 2 fronts : le colonialisme anglo-canadien et l’impérialisme culturel américain. La loi 101, qui fait (en théorie) du français la seule langue officielle du Québec, a été amendée plus de 200 fois par la cour suprême du Canada. Nous sommes favorables à son renforcement, même si elle risque tout simplement d’être amendée, encore et encore. Finalement, le plus grand geste que nous pouvons faire pour défendre notre langue, c’est l’indépendance nationale.
JRCF – Du fait de votre position géographique, vous êtes tout particulièrement impactés par l’impérialisme états-unien. A quelle échelle êtes-vous actuellement affectés ? Quel est l’état de la lutte anti-impérialiste dans votre pays ?
JPC – L’impérialisme américain est extrêmement présent au Québec et au Canada, desquels on peut dire qu’il a fait des satellites. Nous sommes grandement intégrés à l’économie américaine. D’ailleurs, les traités de libre-échange sont très souvent défavorables au Canada, et surtout au Québec, souvent sacrifié par Ottawa pour défendre les industries du Canada. Culturellement aussi, nous sommes énormément influencés par les États-Unis. Cependant, le peuple Québécois a tendance à désapprouver l’impérialisme américain dans le monde. Un sentiment de fond anti-impérialiste, au stade embryonnaire, existe chez nous. C’est un filon à développer chez les jeunes, particulièrement ceux engagé dans le mouvement national (ceux engagés dans le mouvement ouvrier étant déjà conscientisés). Nous y travaillons activement. La stratégie anti-impérialiste au Québec doit nécessairement passer par la lutte de libération nationale. L’impérialisme canadien, partenaire junior des États-Unis, serait grandement affaibli par la sécession du Québec. Pour nous, le Québec est un maillon faible de la chaine impérialiste, il est donc à l’avant-garde de la lutte, il s’agit de développer la conscience du peuple et de l’organiser à mesure que les contradictions de l’impérialisme canado-américain s’exacerbent. Il faut également dire que la bourgeoisie nationale n’est plus en mesure de se dresser sérieusement contre l’impérialisme. C’est aux classes laborieuses de mener cette lutte.
JRCF – Le libéralisme est très fort dans votre pays, Justin Trudeau peut être défini comme le libéral-libertaire par excellence. Quelles sont vos actions face à ce libéralisme sauvage et quelles sont vos contre-propositions ?
JPC – D’abord il faut dire que le libéralisme à la Trudeau n’est pas le produit d’une simple concurrence entre une multitude d’options politiques où triomphe Trudeau qui serait le plus en adéquation avec la réalité du capitalisme canadien moderne : son libéralisme-libertaire, en tant que « récit » de la politique canadienne, prédétermine déjà ce que nous devrions expérimenter comme étant la réalité canadienne. Ce qui le rend idéologique, c’est son articulation : la manière dont le fédéralisme canadien moderne est instrumentalisé afin de légitimer une idée très spécifique du capitalisme. Et cette « articulation » ne peut donc se passer d’une analyse de cette lutte de classe économique et politique qui se joue sous la forme d’une lutte de classe idéologique. En d’autres termes, la transformation du contenu de l’idéologie canadienne, son analyse et le combat que l’on doit y confronter, doit impérativement s’aligner sur la lutte de classe économique et impérialiste. Un Trudeau doit bien jeter sur le marché que représente sa fédération de nouvelles formules politiques aux accents publicitaires pour vendre ses formes d’avant-garde de la collaboration de classe, pour acheter le consentement de la petite bourgeoisie, tout assurant – et là est bien le nœud – la vocation de la lutte de classe idéologico-impérialiste, l’unité de la classe bourgeoise en tant que classe.
La lutte contre l’idéologie dominante n’est pas chose simple, c’est une lutte qui ne peut pas être menée par un seul petit groupe, mais nous tenterons tout de même d’y répondre. Au libéralisme à l’anglo-saxonne, nous répondons par un républicanisme québécois. C’est une tendance bien existante chez notre peuple, hérité des Patriotes de 1837-1838. Souveraineté populaire, laïcité, le collectif avant l’individu, patriotisme … Cela existe sous forme latente chez le peuple Québécois. Nous travaillons, par nos écrits, notre agitation-propagande, à répandre un républicanisme social, ancré dans les traditions patriotiques de la nation.
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