Nous vous livrons ici les fruits d’un entretien réalisé par le Collectif Relations Internationales des JRCF, détaillant la situation actuelle outre-Rhin du point de vue des jeunes communistes, que nous remercions au passage pour leur temps et les éclaircissement apportés.. Traductions et notes de Jérémy C.
JRCF : Bonjour chers camarades et merci d’avoir accepté cet entretien. Ces derniers mois votre parti a subi de fortes attaques de l’État bourgeois dirigées contre son existence même. Quelle est la situation actuelle et quels ont été les impacts sur la SDAJ[1]?
SDAJ : Le parti communiste allemand[2] devait être « froidement » interdit par une action concertée du ministère de l’intérieur et du commissariat fédéral aux élections. Il a été accusé de ne pas avoir déclaré ses finances depuis plusieurs années, ce qui constitue un mensonge grossier. Le DKP a ensuite fait appel devant la plus haute juridiction allemande et a remporté une victoire juridique. En outre, le DKP a également répondu à l’attaque ciblée de l’État au niveau politique, en organisant une large solidarité allemande et internationale et en descendant dans la rue pour dénoncer ces injustices. Le DKP a intensifié ses activités avec l’aide significative de la SDAJ. En particulier, le DKP et la SDAJ souhaitent souligner que la victoire au tribunal a également été le fruit d’une étonnante et écrasante solidarité internationale, qui nous a donné à tous la force de continuer à aller de l’avant. Dans l’ensemble, on peut évaluer que l’attaque de l’État a donné au petit DKP une grande exposition médiatique, ce qui s’est traduit par un résultat électoral légèrement supérieur à ceux des précédentes élections ainsi que par une activité accrue du parti. Cela dit, nous craignons de nouvelles attaques, surtout dans les années à venir. Par ailleurs, l’attaque qu’a subie le DKP ne peut être séparée des attaques et des calomnies contre le quotidien marxiste Junge Welt[3], contre Rote Hilfe[4] (une association d’aide juridique de gauche) ou contre la Vereinigung der Verfolgten des Naziregimes[5].
JRCF : Nous avons en effet été mis au courant des difficultés auxquelles fait face le quotidien Junge Welt. Quelle est votre position à ce sujet ?
SDAJ : Avec l’ampleur croissante des agressions impérialistes à l’extérieur (surtout contre la Russie et la Chine) et la crise croissante du capitalisme à l’intérieur, un front intérieur calme, c’est-à-dire un arrière-pays calme, devient une nécessité absolue pour l’impérialisme allemand. À cette fin, les monopoles de la presse et de la télévision, en collaboration avec les autorités de l’État, dépensent chaque année des millions d’euros dans le but de dissimuler le véritable cœur de leur politique et de falsifier la conscience de la classe ouvrière, de lui mentir et finalement de l’instrumentaliser contre ses propres intérêts. Junge Welt, un quotidien populaire issu de la RDA, s’oppose à ce cours. C’est un repère important pour toute la gauche sociale et il est l’organisateur des conférences « Rosa Luxemburg » à Berlin. Il est hostile à l’impérialisme allemand avec une orientation marxiste claire, donne de l’espace aux voix critiques et agit comme une contre-propagande à l’opinion dominante. À cet égard, l’attaque contre Junge Welt s’ajoute à la longue liste d’attaques décrites ci-dessus. Nous, la SDAJ, sommes solidaires à tout moment des camarades de Junge Welt.
JRCF : Pour en revenir aux élections, quels ont été les résultats obtenus par les communistes ? Sont-ils satisfaisants et quelles perspectives ouvrent-ils ?
SDAJ : Le parti communiste en Allemagne a pu légèrement augmenter ses résultats et ainsi les stabiliser à un bas niveau. Cependant, nous, en tant que fédération de jeunesse, ainsi que le DKP, ne sommes pas satisfaits de cette performance. La déclaration du DKP l’indique clairement : « La performance du DKP n’est pas satisfaisante avec de légers gains par rapport aux élections du Bundestag de 2017 ». Le DKP est trop faible pour se présenter comme tel aux gens qui cherchent des alternatives. Et pourtant, nous sommes satisfaits de la campagne électorale, de la décision de se présenter aux élections, ainsi que de l’engagement du parti, car il a réussi à tenir des milliers de débats dans les rues et à mieux faire connaître le DKP que précédemment. En outre, nous avons pu constater une nette augmentation de l’intérêt pour le parti et la fédération des jeunes en raison de la situation générale et de la crise du Coronavirus. Le slogan selon lequel les élections n’apporteront pas le changement, mais que nous devons prendre ensemble le chemin de la résistance a été très bien accueilli. Il était clair dès le début que nous n’entrerions pas au Parlement, donc ce résultat ne nous ouvre pas une nouvelle perspective, mais révèle nos forces ainsi que nos faiblesses et indique que nous devons continuer sur le chemin que nous avons emprunté. Le DKP a été le seul parti dans cette campagne électorale, généralement orientée vers le bellicisme, à faire systématiquement campagne pour la paix. Il a pu élargir son public, son espace, gagner de nouveaux membres et de nouveaux militants.
JRCF : Au cours de ces élections, nous avons observé une forte chute de Die Linke[6]. Quelle est votre analyse à ce sujet et quelles en seront les répercussions ?
SDAJ : Le problème du parti Die Linke est qu’il n’est plus perçu comme une véritable opposition par la classe ouvrière car ses positions, surtout l’année dernière, se sont rapprochées de celles des autres partis bourgeois. En particulier, ses débats sur une concession à l’adhésion de l’État allemand à l’OTAN, ses ajustements dans la sphère sociale et son orientation vers un gouvernement fédéral conjoint avec l’ancienne social-démocratie – le SPD[7] – ainsi que les Verts pro-impérialistes, sont apparus comme impuissants et n’ont pas trouvé d’écho dans la société. La mauvaise performance de Die Linke est amère et il n’y a aucune raison de jubiler ou même de se réjouir. Bien sûr, nous continuons à nous tenir aux côtés de toutes les personnes, y compris celles de ce parti, qui veulent lutter à nos côtés contre le capitalisme, l’impérialisme et le fascisme. Mais cette performance est le résultat d’une campagne électorale au cours de laquelle Die Linke a clairement indiqué qu’elle était prête à tout jeter par-dessus bord au nom de la co-gouvernance. L’expérience du parti de gauche là où il participe à des gouvernements locaux (par exemple, dans la capitale Berlin ou en Thuringe) montre qu’il ne se distingue guère de la social-démocratie traditionnelle (SPD). Ce qui est inquiétant, c’est la façon dont cette situation est mal et incorrectement analysée au sein du parti, de sa base et de sa direction. Il est à craindre que si la situation s’aiguise vers un véritable cours d’opposition, le parti ne jouera plus de rôle dans les prochaines élections.
JRCF : Si le SPD (parti ayant obtenu le plus de voix) parvient à former une coalition, quelles en seraient les répercussions sur la politique nationale et internationale de l’Allemagne, cela fera-t-il une différence avec la politique de la CSU-CDU[8] ? Quelles seraient les répercussions sur la jeunesse populaire et ouvrière d’Allemagne ?
SDAJ : En principe, il est facile de répondre à cette question : Non, il n’y aura pas de changement dans les grandes décisions. Toutefois, nous mettons en garde contre la tentation de croire les slogans du SPD. Nous aimons rappeler leur période de gouvernement de 1998 à 2005, lorsque – sous couvert d’action sociale – les réformes Hartz IV ont été adoptées, qui signifiaient en fait la légalisation de la pauvreté et orientaient le marché du travail en faveur du capital. En outre, le SPD, avec les Verts, ont mené la première guerre d’agression allemande (contre la Yougoslavie) depuis le fascisme allemand[9]. Nous analyserons attentivement la composition du prochain gouvernement, mais à ce stade, nous devons attendre les négociations. Une chose est claire : nous craignons de nouvelles attaques fondamentales contre la jeunesse étudiante et travailleuse sous le nouveau gouvernement, dans le sillage de la pandémie de Covid-19 et de la crise cyclique du capitalisme.
A lire sur notre blog, pour aller plus loin, le message de la SDAJ aux JRCF à l’occasion de la manifestation à Paris qui du 26 septembre 2021 contre la fascisation et la répression anticommuniste en Allemagne :
http://jrcf.over-blog.org/2021/10/message-des-sdaj-aux-jrcf-a-l-occasion-de-la-manifestation-du-26-septembre-2021.html
[1] Sozialistische Deutsche Arbeiterjugend, en Français la Jeunesse Ouvrière Socialiste Allemande, est l’organisation de jeunesse du Parti communiste Allemand, ndt.
[2] En allemand : Deutsche Kommunistische Partei, abrégé en DKP, ndt.
[3] “Jeune Monde”, ancien quotidien de la Jeunesse Libre Allemande (FDJ), était le quotidien le plus lu de la République Démocratique Allemande. Le journal a poursuivi ses activités malgré l’annexion de la RDA, indépendament de la FDJ, ndt.
[4] “Secours rouge”, ndt.
[5] “Association des persécutés du régime nazi”, ndt.
[6] “La Gauche”, parti de gauche radicale membre dirigeant du PGE et héritier formel du parti socialiste unifié (SED) Est-allemand. Il occupe aujourd’hui un espace équivalent à celui du PCF-PGE et de LFI en France, bien que leurs positions puissent ne pas se recouper totalement, ndt.
[7] En allemand Sozialdemokratische Partei Deutschlands (abrégé SPD), est le plus vieux parti politique du pays et est l’équivalent outre-Rhin du Parti Socialiste français, auquel il sert bien souvent d’exemple, ndt.
[8] Alliance historique de l’Union chrétienne-sociale en Bavière et de l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne, à tendance libérale et conservatrice, c’est principalement sur ces deux formations que s’appuyait le gouvernement d’Angela Merkel.
[9] Situation à mettre en parrallèle avec le comportement dans notre pays des ministres issus du “P”C”F”, lorsqu’à la même époque ils participaient au gouvernement de la “Gauche plurielle” sous la direction de Lionel Jospin, ndt.
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