Il y a peu, tous nos journalistes, nos politiciens bourgeois, nos Raphaël Glucksmann, se sont mis à crier à la dictature contre la Chine. La raison ? A cause de la visite à Taïwan, une région chinoise, de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants des États-Uni, venue pour fracturer les chances de réunification pacifique du territoire chinois. La RPC (République Populaire de Chine), sachant à quoi s’en tenir, a procédé à des manœuvres militaires dans la région pour rappeler sa ferme opposition à l’influence états-unienne dans cette affaire. Nos éditorialistes ont bien vite oublié le principe d’une « seule Chine », respectée par à peu près tous les pays du monde, pour dénoncer non pas les manœuvres américaines mais la protestation chinoise. Que pouvons-nous attendre d’autre des bons toutous américanisés ? Rien. Toutefois, ce conflit ouvert masque un autre conflit entre la Chine et les puissances occidentales (notamment la France en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française) dans la même zone, celui de l’océan Pacifique, en particulier avec un puissant allié des USA, l’Australie.
Depuis 1979 les États-Unis ont lancé le programme « Liberté de navigation » (FON)[1], dans le but de maintenir l’hégémonie maritime des Usa, notamment en termes militaires. George W. Bush de son temps indiquait que l’opération avait pour but de maintenir le bon déroulement des opérations de l’armée américaine dans le monde, notamment à cause de son rôle autoproclamé de gendarme du monde. Dans les faits, le programme vise à remettre en cause les intérêts maritimes de tous les pays sauf les USA, alliés compris.
C’est depuis 2015 que ces fameuses opérations ont lieu en mer de Chine, ce qui a le don d’énerver le grand pays d’Asie. En 2017, un navire militaire américain est passé près d’un îlot artificiel revendiqué par Pékin en mer de Chine méridionale[2], mais contesté par l’Oncle Sam. Encore récemment, un destroyer USS Benfold se trouvait en mer de Chine méridionale.
Principale puissance du continent Océanien, l’Australie a un passé récent de conflits avec la Chine. C’était naguère le gouvernement conservateur de Scott Morrison qui considérait la Chine à l’égale des nazis. C’était encore les mêmes qui demandaient avec insistance une enquête sur les origines du Covid-19, pointant la République populaire de Chine comme responsable de l’épidémie. Ces dissensions viendraient du rachat en 2015 du Port de Darwin, ville du Nord de l’Australie, hautement stratégique, par des intérêts chinois.
Des tensions apparaissent entre les deux pays dans le cadre des exercices maritimes. En février 2022, un avion de patrouille maritime P-8A Poséidon de la Royal aurait été visé par un faisceau laser depuis un destroyer chinois, en mer d’Arafura. En mai, l’un des bateaux australiens aurait intercepté un chasseur J-16 de l’armée chinoise en mer de Chine méridionale. L’un des bateaux de la flotte australienne aurait rencontré au début du mois de juillet 2022 la marine de l’Armée populaire de Chine, lors d’exercices militaires de la flotte australienne. La flotte chinoise lui aurait signifié qu’il naviguait dans ses eaux territoriales, puis l’aurait suivi de près, notamment avec un sous-marin nucléaire[3].
Par suite de la victoire des travaillistes en Australie[4], avec à sa tête Anthony Albanese, remplaçant l’ancien gouvernement conservateur, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Xi, a demandé aux autorités australiennes de cesser de considérer la Chine comme une menace mais comme un partenaire[5]. Un nouvel ambassadeur a été nommé en Australie pour la RPC, plus conciliant que le précédent, Xiao Qian, afin de reprendre contact avec le pays.
L’affaire des Îles Salomon[6]en avril dernier a beaucoup choqué. Il s’agit de la signature d’un accord-cadre de sécurité entre les Îles et la Chine, avec à la clé la possibilité de déploiements policiers et navals chinois dans l’archipel. Ce qui fait peur à l’Australie car 1) les Îles Salomon, au même titre que le Vanuatu, Fidji et l’archipel de Samoa, rejoignent les « nouvelles routes de la soie », 2) c’est le risque de voir débarquer une base militaire chinoise dans son pré-carré.
En juillet, les dirigeants du Pacifique se sont retrouvés à Suva, dans la capitale fidjienne, pour le Forum des Îles du Pacifique[7], la principale organisation politique et économique de la région, réunissant 14 États insulaires, plus les DROM français de Wallis-et-Futuna et de la Polynésie française, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. En question, l’expansion de la Chine, notamment sa recherche d’implantation d’une base militaire. 10 États insulaires participants avaient précédemment refusé un accord cadre similaire à celui passé avec les Îles Salomon.
Comment ne pas parler de la concrétisation même de ces tensions, c’est-à-dire la création en septembre 2021 de l’AUKUS (Australia, United Kingdom et United States), une alliance militaire clairement tournée contre la Chine. La stratégie sous-jacente de cette alliance est d’isoler la Chine et le cas échéant de mener une guerre de haute intensité. Ce qui met en perspective la panique des occidentaux à l’idée d’accords à but militaire avec les pays de la zone et la Chine. Les affrontements/tensions ont lieu sur un fond de tentation d’hégémonie de l’Australie dans l’océan Pacifique, mais aussi de soutien à l’impérialisme dominant américain, qui a d’ores et déjà, contrairement à ses dires, ciblé la Chine comme un ennemi principal, au même rang que la Russie ou l’Iran. Une alliance qui coûte cher à l’Australie. En effet, les australiens avaient dénoncé le contrat passé avec la France pour des sous-marins nucléaires, au profit des USA, dans le cadre de l’alliance dont nous avons parlé. Le rapport du Congrès américain publié fin juillet indique que la construction des sous-marins risque de prendre du temps, notamment en raison d’une pénurie de pièces de rechange ou de retard de maintenance. L’Australie pourrait attendre ses sous-marins… jusqu’en 2040[8] ! Comme quoi, il ne fait pas toujours bon de suivre aveuglément les désirs de l’Oncle Sam !
Ambroise-JRCF
[1]« L’opération ‘’Liberté de navigation’’ n’est qu’une manifestation déguisée de l’hégémonie américaine’’, French Xinhuanet, 19/11/2015.
[2]« USA : opération pour la ‘’liberté de navigation’’ », Le Figaro, 25/05/2017.
[3]« En mer, le gouvernement australien se frotte déjà au géant chinois », 19/07/2022, RFI.
[4] En mai de cette année.
[5] « La Chine demande à l’Australie de la traiter comme une partenaire et non comme un adversaire », Reuters, 10/07/2022.
[6]« La Chine s’ouvre les portes des îles Salomon et provoque la colère de l’Australie », Ouest-France, 21/04/2022.
[7]« Pourquoi la Chine lorgne les îles du Pacifique », Le Journal du Dimanche, 10/07/2022.
[8]« Crise des sous-marins : l’Australie s’en mordra-t-elle les doigts ? », Slate, 04/08/2022.
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