Reprise en main : les moyens de production aux ouvriers !

par | Oct 25, 2022 | Contre-culture | 0 commentaires

Sorti au moment même de l’aggravation de la lutte en France entre le capital et le travail, Reprise en main, premier long-métrage de fiction de Gilles Perret (La socialeLes jours heureuxL’Insoumission), est désormais dans vos salles obscures. Le film raconte l’histoire de Cédric (Pierre Deladonchamps), ouvrier comme son père dans une usine d’assemblage pour le secteur automobile, qui du jour au lendemain apprend que son usine va être rachetée par un fonds de pension peu regardant sur le maintien des emplois et des outils de production. Cherchant à tout prix à éviter ce scénario, il va créer un fonds de pension avec les salariés pour racheter lui-même l’usine.

Avis à ceux qui n’ont pas vu le film : allez le voir avant de continuer votre lecture.

Première chose qui marque pour un film social français – hormis l’absence de misérabilisme et de son corollaire Vincent Lindon -, c’est que l’histoire se concentre sur des ouvriers cherchant à racheter leur usine et non en grève contre leur patron. En quelque sorte, Gilles Perret prolonge son documentaire La Sociale (à propos de la création de la sécurité sociale par le ministre communiste Ambroise Croizat), qui déjà portait en germe l’idée que les travailleurs arrachent au patronat les moyens de production. Les ouvriers de Reprise en main sont fiers de leur savoir-faire, fiers d’être ouvriers. Une fierté qui n’est pas entachée par les pressions à la cadence qu’ils subissent, les machines défectueuses ou les accidents du travail qui peuvent arriver.

Le réalisateur utilise l’escalade en montagne, une pratique qu’adore le personnage principal, comme métaphore des travailleurs essentiels et des parasites. En effet, Cédric, qui grimpe uniquement sur le massif rocheux, vient en aide à un jeune financier qui s’est retrouvé coincé, plus habitué à l’escalade en salle qu’en montagne. Celui-ci se montre sympathique de prime abord et propose même d’aider le personnage principal dans ses démarches, puis se révèle être un petit arriviste incapable de prononcer une phrase sans un mot d’anglais et renseignant un concurrent du héros au rachat de l’entreprise. Cédric, en tant qu’ouvrier, fait vivre la société et peut se débrouiller seul dans l’adversité et grimper les sommets de la société aussi bien que ceux de la montagne, tandis que le financier (et les autres parasites du même type) s’il n’est pas aidé ne pourra que se retrouver coincer à attendre la mort car il n’apporte strictement rien à la société.

On remarquera aussi un clin d’œil aux Jours heureux, le documentaire de Gilles Perret avec notre président Léon Landini, dont on retrouve l’affiche chez le père syndicaliste du personnage principal.

Dans les critiques qu’on pourrait adresser au long-métrage, il y a le manque visible de direction des acteurs dans certains passages, ce qui fait que Laeticia Dosch et Samuel Churin (l’adjointe du DRH et le DRH lui-même) peinent parfois à être totalement crédibles. Des scènes sont un peu grossières, comme cet appel visio de l’entreprise mère à Londres visant à faire croire à l’alcoolisme du directeur. On remarquera aussi une inspiration importante de la comédie française, surtout au travers de l’ami banquier de Cédric, dragueur beauf à toute épreuve, qu’on imaginerait bien dans un film de Franck Dubosc.

Au niveau du message politique, il y aurait un bémol à mettre. Certes, les ouvriers finissent par récupérer l’entreprise (sans dividendes versés aux actionnaires), mais vont devoir réaliser la même politique capitaliste que leurs prédécesseurs, étant donné que le mode de production reste le même. Rappelons que ce n’est pas par méchanceté gratuite que les patrons suppriment des emplois, mais parce que le capitalisme même les y oblige pour continuer à toucher un profit, qui baisse tendanciellement selon la loi exposée par Marx, quitte à sacrifier même l’appareil de production. Une entreprise aux mains des salariés sera forcément contrainte de subir les règles du système capitaliste. On pourra nous rétorquer que le film représente une lutte particulière et n’a pas de vocation à faire de ce genre de lutte le parangon de la reprise du pouvoir par les travailleurs, au détriment de la grève et de la bataille politique. Selon nous il vaut mieux le préciser – Gilles Perret appartenant à bien des égards au courant social-démocrate réformiste qu’au camp communiste révolutionnaire. On pourrait craindre que sa solution fasse office de remplacement à la prise du pouvoir par le prolétariat.

Ne boudez pas votre plaisir et allez voir Reprise en main au cinéma !

Ambroise-JRCF

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