Maladie qui touche essentiellement les personnes âgées, montée du nationalisme et guerre mondiale à l’horizon : est-ce un descriptif de la situation actuelle ? Et pourtant non, c’est le scénario de la pièce La Maladie blanche (1937) de Karel Capek, que va réinterpréter la Compagnie Jolie Môme du 18 novembre au 18 décembre prochain.

L’histoire : une maladie contagieuse et mortelle se répand en Europe, touchant uniquement les personnes âgées. Celui qui découvrira le vaccin avant les autres deviendra riche et célèbre. Les théories fumeuses, les égos, les magouilles, le nationalisme et les mesures liberticides battent leur plein pendant qu’une partie de la population crève tandis que l’autre voit ses droits raccourcis. Même si une perspective de sortir de cette horreur existe.

En toute confidence, la Compagnie Jolie Môme nous a dit avoir découvert par hasard l’existence de cette pièce dans une brocante bien avant 2020. C’est après les confinements que nous avons subis que l’histoire s’est remémorée à la troupe, celle-ci devenant subitement d’une étrange actualité. Et là où déjà l’histoire du virus reflétait de façon intéressante notre monde d’aujourd’hui (la Compagnie Jolie Môme a déjà joué la pièce en 2021), la jouer en 2022 au bord d’une 3^ème guerre mondiale, sur fond de guerre en Ukraine, en fait une pièce dont on aurait du mal à penser qu’elle ne fut pas écrite aujourd’hui !

Qui est ce fameux Karel Capek, l’auteur de la pièce ? C’est un écrivain tchèque reconnu, mort en 1938. Dans ses œuvres les plus célèbres on trouve La guerre des salamandres où il tourne en dérision le nazisme. C’est aussi à lui qu’on doit le mot « robot » (inventé par son frère Josef), qu’il fait apparaître dans sa pièce de théâtre R.U.R. en 1920. En ce qui concerne l’oeuvre présente, l’histoire lui a été suggérée dans les années 20 par un ami médecin, mais il ne la retranscrira qu’à la fin des années 30, dans une période de grande tension, la menace de l’Allemagne hitlérienne sur la République Tchèque étant forte :

« L’inspiration directe pour la pièce La maladie blanche est venue à Karel Capek de la part d’un médecin, Jiri Foustka, qui était également son ami. Ce dernier lui a proposé probablement déjà dans les années 1920 un sujet sur un docteur qui obtiendrait un moyen pour octroyer au monde une constitution dont il était l’auteur. Capek a refusé ce sujet parce que dans les années 1920 il s’occupait d’autres thèmes, et il n’y est revenu qu’au cours de la seconde moitié des années 1930 lorsque ce thème a commencé à l’intéresser dans le contexte politique^[1]. »

La maladie est ici une métaphore de la peste morale rongeant la civilisation, car si un personnage bon et noble existe, la pandémie fait découvrir la superficialité des journalistes, le carriérisme des médecins et la prédation des politiques. Son auteur ne vivra jamais le début du second conflit mondial. Sa mort dûe à la maladie l’empêchera in extremis de connaître un sort encore plus funeste, la gestapo ayant prévu son arrestation quelques semaines après son décès.

Alors si vous voulez voir cette pièce, je vous invite grandement à vous rendre sur le site de la Compagnie Jolie Môme afin de réserver vos places !

https://cie-joliemome.org/?cat=187

Ambroise-JRCF

^[1]« La Maladie blanche, vision prophétique d’une pandémie », Radio Prague International, 02/05/2020. https://francais.radio.cz/la-maladie-blanche-vision-prophetique-dune-pandemie-8101397