La question de la paix à la lumière de l’histoire du mouvement ouvrier

par | Juil 28, 2024 | Théorie, histoire et débats | 0 commentaires

Introduction : le marxisme comme science


Le marxisme n’est pas une théorie abstraite. C’est une théorie scientifique de la praxis qui, comme toute science, se développe au fur et à mesure des expériences. Dans cette suite d’idées, la question de la paix ne doit pas être considérée comme une question abstraite mais concrète. Pour cela, nous devons l’étudier scientifiquement, et donc examiner cette question à la lumière des expériences passées.
On ne peut pas être marxiste ou, ce qui revient au même, communiste sans être pour la paix. En effet, nous, communistes, sommes pour une société pacifiée et pacifique, sans classes sociales, sans lutte des classes, sans guerres, où le « libre développement de tous est la condition du libre développement de chacun », et où les différents peuples cohabitent fraternellement. Mais, précisément parce que nous sommes pour la paix et que nous sommes conséquents dans notre pacifisme, nous ne défendons pas n’importe quelle paix dans n’importe quelles conditions.
Nous, marxistes, pensons que « l’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire des luttes de classes. » (1) La société capitaliste dans laquelle nous vivons ne fait pas exception, et cela ne saurait être changé seulement grâce à un vœu pieux ou à un appel déchirant à la paix à tout prix. Aucune paix durable ne pourra exister tant que le capitalisme continuera d’exister. Nous pensons que le capitalisme est le théâtre d’une lutte irréconciliable entre deux classes sociales antagoniques : le prolétariat et la bourgeoisie. Cette lutte ne peut se terminer que par le renversement révolutionnaire de la bourgeoisie par le prolétariat, par l’instauration de la dictature du prolétariat et par la construction progressive et de longue haleine d’une société pacifiée sans classes sociales, ou bien par la destruction de ces deux classes antagoniques (suite à une guerre nucléaire ou à une catastrophe climatique par exemple). Nous ne pouvons donc être pour la paix avec la bourgeoisie. Nous sommes au contraire pour la guerre civile contre la bourgeoisie, pour son renversement révolutionnaire, par la violence si nécessaire. C’est seulement ainsi que nous pourrons conquérir la paix.
Plus généralement, nous pensons que toute violence qui favorise le renversement révolutionnaire de la bourgeoisie est, pourvu qu’elle soit proportionnée à sa fin, bonne, y compris la guerre qui revêt alors un caractère progressiste. Nous sommes pour la guerre civile victorieuse contre l’état bourgeois, nous sommes pour les guerres de libération nationale qui sapent les bases de l’impérialisme, et plus généralement nous sommes pour toute guerre contribuant à l’affaiblissement du capitalisme impérialiste « porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ». Par contre, nous sommes opposés à toute guerre qui contribuerait à renforcer l’impérialisme et l’exploitation capitaliste, contre toute guerre réactionnaire. Lorsque nous sommes face à l’éventualité d’une guerre, toute la question est alors de savoir de quel type de guerre il s’agit : est-ce une guerre réactionnaire ou une guerre progressiste ?

L’IMPÉRIALISME ET LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE


Il y a deux grandes périodes principales du capitalisme : la période du développement relativement pacifique du capitalisme, durant laquelle la bourgeoisie revêt un caractère progressiste et durant laquelle la classe ouvrière se constitue en tant que classe sociale organisée et peut s’allier à la bourgeoisie pour la conquête des droits démocratiques et pour le renversement du féodalisme, et la période du capitalisme pourrissant, monopoliste, durant laquelle la bourgeoisie, désormais impérialiste, est réactionnaire et durant laquelle le renversement révolutionnaire de la société par la classe ouvrière organisée est à l’ordre du jour.
La première période était celle des guerres bourgeoises progressistes de libération nationale contre les restes de féodalisme. Marx et Engels ont toujours, dans ce genre de guerres, soutenu le camp de la bourgeoisie progressiste dans la mesure où sa victoire contribuait à l’effondrement définitif du féodalisme, au triomphe de la bourgeoisie et avec cela à la création des conditions de la révolution prolétarienne future. Entre la période du capitalisme ascendant et la période du capitalisme pourrissant se trouve la période de transition de l’une vers l’autre, la période où la bourgeoisie a définitivement renversé le féodalisme, où elle travaille à consolider son pouvoir de classe et à s’étendre à d’autres territoires pour élargir ses marchés. Cette période correspond à celle de la colonisation de la totalité du reste du globe par les puissances capitalistes. Puis vient le moment où la totalité du globe est déjà partagé entre grandes puissances, où commence une lutte pour le repartage du monde et où des guerres inter-impérialistes entre puissances rivales menacent constamment d’éclater. C’est le stade impérialiste du capitalisme. C’est durant cette période qu’ont eu lieu les deux guerres mondiales. Celles-ci constituent des expériences extrêmement importantes et riches en enseignements pour la défense de la paix.
La position des marxistes à l‘époque de la Première Guerre mondiale reposait sur deux points essentiels : la défense des principes de la résolution du Congrès de Stuggart et la lutte implacable et sans concession contre le social-chauvinisme. Voilà ce que dit la résolution du Congrès de Stuggart à propos de la guerre impérialiste qui menaçait d’éclater :

« Si une guerre menace d’éclater, c’est un devoir de la classe ouvrière dans les pays concernés, c’est un devoir pour leurs représentants dans les Parlements, avec l’aide du Bureau socialiste international, force d’action et de coordination, de faire tous leurs efforts pour empêcher la guerre par tous les moyens qui leur paraîtront le mieux appropriés, et qui varient naturellement, selon l’acuité de la lutte des classes et la situation politique générale. Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, c’est leur devoir de s’entremettre pour la faire cesser promptement et d’utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerre pour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste. »
Tout faire pour éviter la guerre qui menaçait d’éclater, c’est ce qu’a fait Jean Jaurès en France jusqu’à sa mort en 1914. Lorsque certains gauchistes, notamment chez Lutte Ouvrière, critiquent l’action de Jaurès en invoquant le nom de Lénine, ils n’ont rien compris à la ligne adoptée par ce dernier, qui n’est autre que celle adoptée par la IIème Internationale lors du Congrès de Stuggart. La résolution du Congrès de Stuggart explique bien que, avant l’éclatement de la guerre, il s’agissait de tout faire pour la conjurer, cela en utilisant l’influence des parti social-démocrates au sein des masses populaires et aux Parlements et sans qu’il soit à ce moment-là question de révolution, et que c’est dans l’éventualité où la guerre éclaterait, lorsqu’elle engendrerait alors les conditions politico-économiques d’une révolution, qu’il s’agirait d’appeler à la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile révolutionnaire. Ces gauchistes commettent l’erreur d’appliquer une ligne politique qui était prévue pour être appliquée au moment où la guerre impérialiste aurait déjà éclaté à un moment où la guerre n’avait pas encore éclaté et n’allait de ce fait pas encore créer les conditions du renversement révolutionnaire de la bourgeoisie.
Lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté, la ligne politique de tous les social-démocrates fidèles au marxisme, et parmi eux les bolchéviks dirigés par Lénine, n’a au fond consisté qu’à suivre à la lettre la résolution du Congrès de Stuggart : profiter au maximum de la crise économique et politique engendrée par la guerre impérialiste afin de la transformer en guerre civile révolutionnaire, quitte à ce que cela engendre des défaites militaires pour les gouvernements concernés, et même tant mieux puisque cela pourrait contribuer à intensifier la crise et ainsi précipiter leur renversement révolutionnaire. C’est ce que parfois certains appellent le « défaitisme révolutionnaire », qui peut être formulé brièvement ainsi :


« Dans une guerre réactionnaire, la classe révolutionnaire ne peut pas ne pas souhaiter la défaite de son gouvernement; elle ne peut manquer de voir le lien entre les échecs militaires de ce dernier et les facilités qui en résultent pour le renverser. […] Il est hors de doute que l’important travail d’agitation contre la guerre effectué par une partie des socialistes anglais, allemands et russes “ affaiblissait la puissance militaire ” de leurs gouvernements respectifs, mais cette agitation faisait honneur aux socialistes. Ceux-ci doivent expliquer aux masses qu’il n’est point de salut pour elles hors du renversement révolutionnaire de “ leurs ” gouvernements respectifs, et que les difficultés rencontrées par ces gouvernements dans la guerre actuelle doivent être exploitées précisément à cette fin. » (2)


Les social-chauvins sont les opportunistes qui ont renié la résolution du Congrès de Stuggart et qui au moment de la guerre se sont alliés à leur bourgeoisie, voté les crédits de guerre et appelé les ouvriers à la « défense de la patrie », tout cela en prétendant qu’un camp (bien évidemment celui de leur propre bourgeoisie) serait plutôt progressiste et défensif tandis que l’autre réactionnaire et offensif. Ainsi les social-chauvins de la triple alliance expliquaient que leur guerre était progressiste notamment parce qu’elle pouvait permettre d’affaiblir le tsarisme russe, tandis que les social-chauvins de la triple entente expliquaient que leur guerre était une guerre contre les gouvernements autoritaires allemands et autrichiens. Ces phraséologies petites-bourgeoises sur la « défense de la patrie » au nom d’un marxisme tronqué étaient en réalité faites pour cacher la véritable nature de cette guerre inter-impérialiste.

LA SECONDE GUERRE MONDIALE


La Seconde Guerre mondiale est particulièrement riche en enseignements théoriques car son analyse à la fois reprend les éléments théoriques de la première et les enrichit en fonction d’un contexte nouveau caractérisé par trois traits essentiels :
– La montée d’un phénomène politique nouveau : le fascisme,
– L’existence du premier Etat socialiste au monde : l’URSS,
– L’existence dans les pays capitalistes d’Europe de partis communistes révolutionnaires relativement importants (et dans certains cas très importants, en France notamment) ayant complètement rompu avec les partis opportunistes et organisés à l’internationale.


Durant tout le processus de lutte pour la défense de la paix au temps de la Seconde Guerre mondiale, nous retrouvons les deux moments de la résolution du Congrès de Stuggart, à savoir le moment de la lutte pour le maintien de la paix puis le moment de la lutte pour la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile révolutionnaire, moments auxquels vient s’ajouter un troisième : le moment de la défense de l’état socialiste contre l’offensive fasciste.
Le premier moment commence avec l’adoption par l’Internationale Communiste en 1921 de la stratégie du front uni par la base et se termine avec celle du front populaire antifasciste lors du VIIème congrès en 1935 et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en 39. Face à l’offensive du capital financier contre les masses populaires, face à la montée de la menace fasciste, face à la menace d’une guerre à venir, dans un contexte où la classe ouvrière était divisée entre les communistes et les social-démocrates opportunistes, et dans un contexte où toute une frange des masses travailleuses non-prolétariennes était tentée par le fascisme, il s’agissait pour les partis communistes de rassembler la masses des prolétaires et des couches travailleuses non prolétariennes ou semi-prolétariennes au sein d’un vaste front uni et d’un vaste front populaire impulsé et dirigé par le parti communiste afin d’organiser la défense contre les attaques du capital financier, de conjurer la guerre et de barrer la route aux fascistes pour ensuite dans un deuxième temps, si cette stratégie réussissait, reprendre l’offensive et à terme renverser la bourgeoisie en instaurant le pouvoir des soviets. Malheureusement, si les stratégies de front uni et de front populaire ont permis à certains partis communistes, et en particulier au parti communiste français, de s’affirmer comme premières forces antifascistes et pacifistes conséquentes, d’obtenir une influence croissante au sein de la classe ouvrière et des larges couches prolétariennes, semi-prolétariennes et petites bourgeoises, de barrer la route pendant un temps au fascisme, d’obtenir des conquis sociaux et de retarder le déclenchement de la guerre, la trahison des social-démocrates qui se sont, une fois n’est pas coutume, ralliés à la bourgeoisie impérialiste contre les communistes et l’URSS a permis au capital financier de déclencher la guerre.

En France, le gouvernement du social-traître Daladier a pris prétexte de la signature du pacte de non-agression germano-soviétique pour interdire le PCF ainsi que l’Humanité et pour arrêter les députés communistes. En réprimant les communistes, en faisant tout pour pousser Hitler à la guerre contre l’URSS et en laissant les fascistes renforcer leurs positions sous couvert d’une politique dite « d’apaisement » (absence de réaction face à l’invasion de l’Ethiopie par Mussolini et face à l’invasion de la Mandchourie par les japonais, mains libres laissées à Hitler pour la remilitarisation de l’Allemagne, politique de non-intervention en Espagne, absence de réaction contre Hitler lors de l’Anschluss, Accords de Münich, etc.), les pays dits « démocratiques » anglais et français se sont révélés finalement pas moins réactionnaires et anticommunistes que les fascistes. En réalité, la bourgeoisie financière anglaise et française n’avait qu’une idée en tête : en finir avec les communistes, défendre ses colonies et étendre sa domination. Dans cette optique, alors que l’URSS essayait de faire alliance avec les démocraties bourgeoises contre les fascistes, celles-ci faisaient tout pour pousser l’Allemagne contre l’URSS en espérant que ces dernières finissent par s’affronter et s’affaiblir mutuellement. C’est pourquoi, lorsque les impérialistes anglo-français ont, suite à la signature du traité germano-soviétique entérinant l’échec de leur stratégie impérialiste anti-soviétique et à l’invasion de la Pologne par Hitler, déclaré la guerre à l’impérialisme allemand en invoquant hypocritement la « guerre antifasciste » et la « défense de la patrie », l’Internationale Communiste a appelé les communistes des différents pays capitalistes à lutter contre la guerre impérialiste, contre leurs propres gouvernements, et à en finir avec les causes de l’exploitation capitaliste, c’est-à-dire à transformer la guerre impérialistes en guerre civile révolutionnaire (3). Ainsi Dimitrov explique :


« Par son caractère et sa nature, la guerre actuelle est, des deux côtés, une guerre impérialiste injuste malgré des mots d’ordre trompeurs dont les classes gouvernantes des Etats capitalistes belligérants cherchent à couvrir leurs véritables buts aux yeux des masses populaires. Le caractère de la guerre, comme nous l’enseigne Lénine, « ne dépend pas de la question de savoir qui est l’agresseur et dans quel pays se trouve l’ennemi, mais quelle classe fait la guerre, et de quelle politique cette guerre est le prolongement ». De même qu’en 1914, c’est la bourgeoisie impérialiste qui aujourd’hui mène la guerre. Celle-ci est le prolongement direct de la lutte entre les puissances impérialistes pour un nouveau partage du monde, pour la domination universelle. […] Si auparavant les dits Etats européens se divisaient en agresseurs et non-agresseurs, c’est-à-dire en fauteurs directs de la guerre et en Etats qui, jusqu’à un certain moment n’intervenaient pas ouvertement en qualité d’agresseurs, quoique favorisant dans les coulisses l’agression contre d’autres pays, maintenant cette division ne correspond plus à la réalité. Cette différence a disparu. Mieux : ce sont finalement les impérialistes anglais et français qui font figure de partisans les plus zélés pour continuer et propager l’incendie de la guerre. […] La bourgeoisie française fait revivre aujourd’hui les temps les plus sombres de la terreur contre-révolutionnaire. Depuis l’époque de l’écrasement sanglant de la Commune de Paris, la France ignorait pareille campagne de la réaction contre la classe ouvrière. L’interdiction du Parti communiste français, l’arrestation des représentants révolutionnaires du prolétariat français au parlement – ces lutteurs les plus conséquents contre toute réaction – attestent avec éclat combien mensongères et hypocrites sont les déclarations émises sur le caractère démocratique et antifasciste de la guerre. […] Il n’est pour la classe ouvrière qu’une seule position juste, c’est la lutte intransigeante et courageuse contre la guerre impérialiste, la lutte contre les responsables et les fauteurs de cette guerre, en premier lieu ; chacun dans son propre pays pour mettre fin à cette guerre de rapine. C’est la cause la plus juste, dictée par les intérêts vitaux du prolétariat et de tous les travailleurs. […] Partout dans les pays capitalistes, non seulement dans les pays belligérants, se développe une campagne réactionnaire contre la classe ouvrière et les masses laborieuses. Ainsi, ce qui pendant la période antérieure à cette guerre était caractéristique du régime des pays fascistes, prend, dans le cadre de la guerre en cours, un développement toujours plus grand dans les pays dits de démocratie bourgeoise. […] Le problème de la réalisation de l’unité de la classe ouvrière et de la création du front unique se pose d’une manière nouvelle. Dans la période d’avant-guerre, les communistes recherchaient l’unité d’action de la classe ouvrière dans la voie d’une entente entre partis communistes et partis social-démocrates. Maintenant, cette entente n’est plus possible. Dans les conditions actuelles, la création de l’unité de la classe ouvrière peut et doit être réalisée par en bas, sur la base de l’extension du mouvement des masses ouvrières elles-mêmes et dans une lutte résolue contre les traîtres dirigeants des partis social-démocrates. […] Aujourd’hui, le rassemblement de la classe ouvrière, des masses paysannes essentielles, des travailleurs de la ville et des intellectuels avancés, peut et doit être réalisé dans un front unique populaire, formé d’en bas, nonobstant et contre les dirigeants de ces partis, sur la base d’une lutte contre la guerre impérialiste et la réaction. […]  La situation présente, extrêmement grave, exige des communistes que, sans fléchir devant aucune répression et persécution, ils s’élèvent résolument et courageusement contre la guerre, contre la bourgeoisie de leur propre pays […] Les partis communistes et la classe ouvrière des pays capitalistes s’inspireront de l’héroïque exemple des Bolchéviks russes, de l’exemple du glorieux parti de Lénine et de Staline, qui a montré au prolétariat, de 1914 à 1918, la voie à suivre pour sortir du de la guerre, et assuré ensuite la victoire du socialisme sur un sixième du globe. […] La classe ouvrière est appelée à en finir avec cette guerre à sa façon, dans son intérêt, dans l’intérêt de toute l’humanité travailleuse, et à supprimer ainsi, à tout jamais, les causes essentielles qui engendrent les guerres impérialistes » (4)

Le cours des choses a changé dès lors que Hitler a décidé d’attaquer l’URSS. A partir de là, la priorité absolue n’était plus d’en finir avec l’exploitation capitaliste dans les pays capitalistes mais de nouer les plus larges alliances possibles, y compris avec des organisations bourgeoises, pour défendre l’état socialiste. La guerre, de guerre inter-impérialiste qu’elle était, est devenue une guerre de défense nationale du côté de l’URSS. Une alliance des communistes avec De Gaulle, Roosevelt et Churchill devenait alors nécessaire, et la notion de guerre antifasciste prenait désormais sens.
Au passage, puisqu’il est de bon ton dans les médias mais aussi parmi certains historiens bourgeois d’expliquer qu’il y a eu un revirement soviétique concernant la question de la paix et de la lutte antifasciste suite à la signature du pacte germano-soviétique, que l’URSS aurait d’abord défendu la guerre antifasciste contre Hitler puis aurait opéré un virage contre les « démocraties occidentales » et en faveur de Hitler suite à la signature du pacte, rappelons cette résolution de la VIIème Internationale qui explique très clairement quelle était, depuis 35 et donc bien avant la signature du pacte, la ligne adoptée par l’Internationale communiste :


«  Les communistes, tout en menant également une lutte énergique contre les illusions selon lesquelles il serait possible de supprimer les guerres tant que le régime capitaliste existe encore, déploient et déploieront tous les efforts pour conjurer la guerre.
Mais, dans le cas où une nouvelle guerre impérialiste mondiale éclatait en dépit de tous les efforts faits par la classe ouvrière pour la conjurer, les communistes s’efforceront d’entraîner les adversaires de la guerre, organisés dans la lutte pour la paix, à la lutte pour la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile contre les instigateurs fascistes de guerre, contre la bourgeoisie, pour le renversement du capitalisme.
   Si le déclenchement d’une guerre contre-révolutionnaire contraint l’Union Soviétique à faire marcher l’Armée Rouge ouvrière et paysanne pour la défense du socialisme, les communistes appelleront tous les travailleurs à contribuer par tous les moyens et à n’importe quel prix à la victoire de l’Armée Rouge sur les armées des impérialistes
» (5)


Depuis cette résolution de 35 jusqu’à la grande guerre patriotique en passant par le déclenchement de la guerre impérialiste fin 39, l’Internationale est, comme cela a été montré tout au long de cet article, restée fidèle à elle-même et a exactement suivi la même ligne de bout en bout et du début à la fin, sans changement et avec une cohérence de fer, en appliquant à chaque changement de circonstance tout ce qui avait été annoncé concernant la ligne à adopter en fonction de ces mêmes circonstance dès l’adoption de cette résolution en 35. Nous voyons une fois de plus de quel type d’hypocrisie la propagande bourgeoise anticommuniste est capable !
Par toutes ces considérations nous voyons se dessiner l’essence même du marxisme : l’analyse concrète d’une situation concrète. Dans quelque situation que ce soit, et à plus forte raison lorsqu’il y a une guerre ou une menace de guerre, nous ne devons pas appliquer de façon dogmatique des schémas abstraits, mais nous devons étudier le caractère concret de la situation et adopter une stratégie politique cohérente en conséquence.

De la guerre froide à la guerre en cours


Après la Seconde Guerre mondiale survient la période de division du monde en deux camps capitalistes et socialistes, le camp de la guerre et celui de la paix, le premier dirigé par les USA faisant tout pour provoquer la guerre afin d’élargir sa domination impérialiste, et l’autre faisant tout pour maintenir autant que possible la paix, considérant que le camp socialiste et le camp capitaliste peuvent coexister pacifiquement et que la guerre est uniquement le fruit des contradictions internes de l’impérialisme. Toute l’histoire de ce qu’on appellera la « Guerre froide » peut ainsi être considérée dans ses grandes lignes comme l’histoire des guerres des Etats-unis pour la domination du monde et des tentatives de l’URSS pour maintenir la paix et conjurer la guerre. Malheureusement, suite à l’effondrement du camp socialiste, c’est le camp de la guerre qui a gagné et les Etats-unis sont devenus, non seulement une puissance impérialiste dominante, mais une puissance hégémonique dominant l’ensemble du monde, y compris les pays impérialistes d’Europe.
Aujourd’hui, face aux USA se tient de plus en plus, non pas un camp socialiste, mais un camp anti-hégémonique dirigé par la Chine populaire qui, elle aussi, défend une politique de paix entre les peuples comme le témoigne son plan de paix en 12 points. La guerre en Ukraine n’est en réalité qu’un des prolongements d’une politique d’agression qui ne date pas d’aujourd’hui et qui est menée par les Etats-Unis suivis par leurs bras armés euro-atlantistes à l’encontre des forces anti-hégémoniques des BRICS qui, quant à elles, tendent à privilégier, pour des raisons selon les cas idéologiques ou/et stratégiques, et bien-sûr non sans contradictions, des relations économiques internationales pacifiques et adoptent une posture essentiellement défensive face au bellicisme américain et euro-atlantiste. Mais cette posture défensive, fort logiquement et fort légitimement si elle ne doit pas devenir une soumission mortifère au bellicisme états-unien persistant, ne pourra que déboucher, si les peuples des pays du camp atlantiste n’infligent pas une lourde défaite à leurs propres gouvernements de telle sorte que les bases de l’hégémonisme belliciste états-uniens soient détruites, sur une guerre mondiale potentiellement exterminatrice. L’opération militaire spéciale russe en Ukraine est la manifestation de cet état de fait puisqu’elle montre que, face aux menaces et provocations persistantes du bellicisme états-unien-euro-atlantiste, la sécurité nationale des pays qui ne veulent pas se soumettre à l’hégémonisme américain les oblige au bout d’un moment à sortir les crocs et à attaquer pour se défendre, cela au risque d’une guerre mondiale potentiellement exterminatrice dont la responsabilité serait le cas échéant à imputer essentiellement, non pas à ces forces anti-hégémoniques qui défendent leur souveraineté et leur sécurité nationale, mais au bellicisme états-unien-euro-atlantiste.

L’importance et le rôle de la jeunesse dans la défense de la paix


Dans la lutte pour la paix, la jeunesse prolétarienne constitue un élément crucial sans lequel on ne peut conjurer ni la guerre ni le fascisme. Cette jeunesse a particulièrement intérêt tant à la lutte antifasciste qu’à la défense de la paix, et en même temps, du fait de sa situation spécifique qui fait d’elle une couche du prolétariat particulièrement précaire et inquiète face à l’avenir, est particulièrement sujette à être séduite par le fascisme et les fausses promesses d’avenir et d’héroïsme qu’il fait. Ainsi, si les forces progressistes ne déploient pas une activité conséquente tournée vers la jeunesse, le fascisme et la guerre risquent de l’emporter. C’est pourquoi Dimitrov a critiqué sévèrement l’activité des partis communistes vis à vis de la jeunesse à son premier discours sur le fascisme au VIIième congrès de l’IC :


« Le fascisme a vaincu encore parce qu’il a réussi à pénétrer dans les rangs de la jeunesse, du moment que la social-démocratie détournait la jeunesse ouvrière de la lutte de classe, que le prolétariat révolutionnaire n’avait pas déployé parmi les jeunes le travail éducatif nécessaire et n’avait pas réservé une attention suffisante à la lutte pour ses intérêts et ses aspirations spécifiques. Le fascisme a su saisir le besoin d’activité combative, particulièrement vif chez les jeunes et il a entraîné une partie considérable d’entre eux dans ses détachements de combat. La nouvelle génération de la jeunesse masculine et féminine n’est pas passée par les horreurs de la guerre. Elle sent peser sur ses épaules tout le fardeau de la crise économique, du chômage et de l’effondrement de la démocratie bourgeoise. Faute de perspectives d’avenir, des couches considérables de jeunes se sont avérées particulièrement sensibles à la démagogie fasciste, qui leur dessinait un avenir tentant lors de la victoire du fascisme. […] Parlant des jeunes, nous devons le déclarer ouvertement : nous avons dédaigné la tâche qui nous incombait d’entraîner les masses de la jeunesse travailleuse dans la lutte contre l’offensive du Capital, contre le fascisme et la menace de guerre; nous avons dédaigné ces tâches dans plusieurs pays. Nous avons sous-estimé l’importance énorme de la jeunesse dans la lutte contre le fascisme. Nous n’avons pas toujours tenu compte des intérêts particuliers, économiques, politiques et culturels de la jeunesse. Nous n’avons pas, non plus, prêté l’attention voulue à l’éducation révolutionnaire des jeunes. […] Nos Fédérations communistes de jeunes, dans une série de pays capitalistes, sont encore maintenant des organisations éminemment sectaires, détachées des masses. Leur faiblesse fondamentale consiste en ce qu’elles s’efforcent encore de copier les Partis communistes, leurs formes et leurs méthodes de travail, oubliant que la Jeunesse communiste n’est pas le Parti communiste de la jeunesse. Elles ne tiennent pas suffisamment compte du fait qu’il s’agit d’une organisation avec ses tâches particulières bien à elle. Ses méthodes et ses formes de travail, d’éducation et de lutte doivent être adaptées au niveau concret et aux aspirations de la jeunesse. » (6)

A la jeunesse, tout antifascisme et pacifisme conséquent se doit de proposer une perspective d’avenir. Cela passe par la défense de ses intérêts spécifiques, par des réponses données à leurs préoccupations particulières, et par une éducation révolutionnaire adaptée et attentive à leurs aspirations. Ainsi, de même que, en tant de paix comme en tant de guerre, il est nécessaire de constituer un front uni et, lorsque les conditions le permettent, un front populaire alliant la classe ouvrière à l’ensemble des masses prolétariennes, semi-prolétariennes et non-prolétariennes, il est nécessaire de former un front uni de la jeunesse travailleuse marchant main dans la main avec le front uni des travailleurs tout en restant tourné spécifiquement vers la jeunesse, afin de conjurer à la fois, car ils vont ensemble, la guerre et le fascisme.

CONCLUSION


Ainsi, compte-tenu de cette étude marxiste, c’est-à-dire scientifique, des expériences de notre classe dans la lutte pour la paix, nous sommes à même de comprendre les tâches que nous impose notre époque. Compte-tenu de la situation où une guerre potentiellement mondiale, nucléaire et exterminatrice opposant les BRICS, forces anti-hégémoniques essentiellement défensives, et l’ordre euro-atlantiste hyper-belliqueux dirigé par l’hégémonisme états-unien risque d’exploser à tout moment, nous nous devons, nous, jeunes communistes, de tout faire pour unir la jeunesse travailleuse au sein d’un grand Front Antifasciste, Patriotique, Pacifiste, Populaire et Écologique (FRAPPPE) réunissant toutes les forces sociales et politiques progressistes du pays contre l’offensive capitaliste, fascisante et guerrière de la bourgeoisie impérialiste euro-atlantiste dans l’optique d’une sortie de l’euro, de l’UE, de l’OTAN ET du capitalisme car, comme l’explique le PRCF : « Sans condition structurelle clairement établie, et particulièrement le combat contre l’hégémonisme états-unien en expansion via l’axe UE-OTAN notamment, la guerre qui frappe l’Ukraine pourrait s’étendre à d’autres contrées du monde, dégénérer en guerre nucléaire mondiale et menacer la survie de l’humanité. « Le socialisme ou la mort », à terme il n’y a pas de choix pour l’humanité ! »

William pour le Collectif luttes

(1) K. Marx, F. Engels, Manifeste du parti communiste, « I. Bourgeois et prolétaires ».

(2) Lénine, Le socialisme et la guerre, « Les principes du socialisme et la guerre de 1914 1915 ».

(3) Nous tenons à souligner que cette position de l’IC n’ indique pas le comportement du PCF au moment du pacte de non-agression. Pour rappel, le PCF, avant de voir ses députés et son parti interdit, a voté les crédits de guerre au Parlement. Le 17 juin 1940, soit un jour avant le célèbre appel du Général de Gaulle, Charles Tillon du PCF lance le premier appel à la résistance antifasciste avec un tract diffusé à Bordeaux. Et c’est dans la clandestinité, d’abord sous la Troisième République puis sous Vichy, que le PCF se réorganise avec ses militants prêts à en découdre.

(4) Dimitrov, « La guerre et la classe ouvrière des pays capitalistes »

(5) VIIème Congrès de l’IC, « LES TÂCHES DE L’INTERNATIONALE COMMUNISTE EN LIAISON AVEC LA
PRÉPARATION D’UNE NOUVELLE GUERRE MONDIALE PAR LES IMPÉRIALISTES ».

(6) Dimitrov, « 7e congrès mondial de l’Internationale communiste
Rapport : L’Offensive du fascisme et les tâches de l’Internationale communiste dans la lutte pour l’unité de la classe ouvrière contre le fascisme »

(7) « Sortir définitivement de la guerre en Ukraine – Déclaration du Comité central du PRCF – 6 mars 2022 ».

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