Primes à l’embauche d’apprentis

par | Jan 8, 2025 | Luttes | 0 commentaires

Une politique inefficace et une menace pour la formation publique

La récente annonce du ministère du Travail concernant le maintien des subventions publiques pour l’embauche d’apprentis en 2025 relance ce sujet crucial. Si cette mesure semble, à première vue, témoigner d’un soutien à la formation professionnelle, son analyse révèle des limites importantes, des inégalités flagrantes, et un danger pour le modèle éducatif français.

Où en est-on ?

Le montant de la subvention publique sera en l’état abaissé à 5 000 euros pour les PME et à seulement 2 000 euros pour les grandes entreprises, contre 6 000 euros actuellement. Selon le ministère, cette réduction vise à éviter, du fait des aléas gouvernementaux du moment et de l’instabilité politique en général, un retour à un dispositif plus restrictif datant d’avant la crise sanitaire. Mais cette justification ne répond pas aux critiques fondamentales : ces primes favorisent-elles réellement l’apprentissage ou servent-elles simplement de subvention déguisée aux entreprises ?

En 2023, selon le ministère du Travail, 849 600 contrats d’apprentissage ont débuté dans les secteurs privé et public, soit une augmentation de 2 % par rapport à 2022. Au 31 décembre 2023, 1 014 500 contrats étaient en cours, marquant une hausse de 4 % sur un an.

Cependant, cette croissance quantitative masque des réalités préoccupantes. Les aides financières incitent certaines entreprises à multiplier les recrutements d’apprentis sans garantir un encadrement de qualité ni des perspectives d’emploi durable. En témoigne, entre autre, le taux de rupture des contrats d’apprentissage dans les neuf premiers mois qui atteint 21 % pour ceux commencés en 2022, en hausse par rapport aux années précédentes.

Une attaque contre le système éducatif public

Plus inquiétant encore, cette politique s’inscrit dans une tendance plus large qui vise à fragiliser les structures de la formation publique. En favorisant l’apprentissage au sein des entreprises, le gouvernement contribue à la déscolarisation progressive des filières professionnelles et technologiques. Ce phénomène, largement inspiré des accords successifs de Bruges, de Copenhague et Riga sur la « formation tout au long de la vie », conduit à une marginalisation des formations portées par l’Éducation Nationale.

Ces accords promeuvent un modèle où l’éducation professionnelle est externalisée vers les entreprises dès l’âge de 14 ans, transformant l’apprentissage en une forme de travail servile et précoce. Ce modèle menace la mission fondamentale de l’école : transmettre des savoirs universels et garantir l’égalité des chances. En fragmentant la formation, il abandonne les jeunes aux logiques du marché capitaliste, institué en Europe par l’Union européenne, qui jettent les travailleurs en concurrence les uns contre les autres, et aux intérêts à court terme d’un grand patronat qui en tire une véritable plus-value économique, s’économisant ainsi d’employer en bonne et due forme des salariés qualifiés.

Une alternative nécessaire

Face à ces dérives, il est urgent de préserver et de renforcer les structures de formation continue sous l’autorité de l’Éducation Nationale. Plutôt que de multiplier les primes directes aux entreprises, les fonds publics devraient être investis dans les centres de formation publics, les lycées professionnels et les structures pédagogiques innovantes. Il est également essentiel de dénoncer les accords internationaux qui prônent une déscolarisation rampante au profit d’un apprentissage dépendant des impératifs économiques immédiats. Ces accords internationaux sont ici portés et impulsés, comme toujours, par l’Union européenne qui, plus que jamais, démontre qu’elle n’a pas été inventée pour le bien des peuples et des travailleurs, mais bien pour servir les intérêts d’une oligarchie capitaliste continentale, et qu’il convient en conséquence d’en sortir au plus tôt !

En parallèle, conditionner de véritables aides aux seules plus petites entreprises par des critères exigeants, tels que la qualité certifiée des programmes, l’interdiction de remplacer un emploi par un poste d’apprentissage, notamment en multipliant les moyens et les contrôles de l’inspection du travail, ou encore l’embauche durable des apprentis en CDI.
Les grands monopoles capitalistes, eux, sur leurs propres moyens et sur contrôle permanent de l’Education nationale conjointement avec les élus du personnel, devraient être imposé d’organiser, sans remplacement d’emploi et dans de bonnes conditions d’accompagnement, le « recrutement » d’apprentis.

 En conclusion, la politique actuelle des primes à l’embauche d’apprentis s’avère dangereuse pour l’avenir de la formation professionnelle en France. Elle détourne des moyens publics pour subventionner en grande partie les plus gros employeurs qui en ont déjà tous les moyens, tout en affaiblissant les piliers du système éducatif national. Si l’apprentissage doit rester un levier important, il est impératif de le repenser dans une logique de qualité, d’équité et de préservation des missions de l’école républicaine.

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