Un rapport récent de la Cour des comptes (décembre 2024) est venu critiquer la mesure phare du macronisme en matière culturelle, à savoir le pass culture. Ce dispositif vise, rappelons-le, à permettre aux jeunes entre 15 et 18 ans de bénéficier d’une prise en charge des activités culturelles, que ce soit à titre individuel ou collectif via l’école (1). Tout d’abord, élément positif, si celui-ci avait tout d’abord fait l’objet de simples moyens de paiement pour des mangas lors de son lancement, désormais les achats en matière littéraire se sont diversifiés (50% des dépenses avec le pass). Ensuite, le nombre de jeunes l’utilisant : ils sont 4,2 millions depuis 2019 (2).
Il y a deux choses qui sont intéressantes pour nous, jeunes travailleurs, dans ce récent rapport bilan.
1) Le chiffre relativement bas de jeunes issus des milieux défavorisés qui utilisent le pass culture, bien inférieur en tout cas à celui des classes aisées ou moyennes. 16 % des bénéficiaires potentiels, ayant des parents à faible revenu, n’ont pas adhéré au dispositif. 68% seulement des enfants d’ouvriers ont activé leur pass.
2) Le pass culturel augmente la standardisation des goûts ou, au mieux, n’y touche pas. C’est-à-dire que, dans sa partie individuelle, là où le dispositif devait permettre d’ouvrir les jeunes vers de nouvelles pratiques, on se rend compte que les jeunes s’en servent tout simplement comme de prolongements de pratiques culturelles déjà existantes, mais en l’intensifiant. Typiquement, une partie de son usage sert à acheter des places de cinéma. Le spectacle vivant, qui devait techniquement profiter de ce système, ne fait partie que des achats à la marge. Seule la partie collective du pass, exercée en classe et avec un professeur à la manœuvre, semble plus proche d’une véritable diversification culturelle, mais elle fonctionne indépendamment de la part individuelle.
Tout cela pose question de l’éducation culturelle et de sa politique. Dans une ère d’abêtissement généralisé, couplé à une américanisation à outrance de la société, ce qui veut dire aussi un individualisme forcené, il est saugrenu de penser que nos jeunes, surtout s’ils n’ont pas un parent pour les guider, vont aller spontanément vers des pratiques culturelles bien différentes de ce qu’ils ont l’habitude et s’ouvrir spontanément à d’autres horizons. La simple liberté laissée à l’acheteur de faire ce qu’il veut ne va pas lui permettre, surtout à cet âge, de faire des choix audacieux.
D’autre part, nous pouvons penser qu’il est normal que les enfants de la classe ouvrière soient finalement encore peu nombreux à utiliser le pass : comment se sentir concernés par une industrie qui, comme partout ailleurs, tend à mettre sous le tapis la classe ouvrière existant encore en France, à ne pas lui donner de représentation concrète ? Le cliché sur les films d’auteurs français représentant la vie des bourgeois s’ennuyant ferme dans leur appartement parisien est sans doute abusé, mais il renvoie tout de même à un vrai problème de représentation des classes laborieuses en art, ce qui renforce leur sentiment d’exclusion dans la société et ne donne pas forcément l’envie de s’y intéresser. C’est pour nous, jeunes communistes, un axe de travail dans l’avenir et un prolongement de notre mot d’ordre : remettre le monde du travail au centre de la vie nationale, aussi bien en politique que dans l’ordre culturel, redonner force et conscience aux travailleurs de France dans tous les domaines.
À titre de conclusion, la Cour des comptes cherchant à faire des économies par rapport au pass culture, rappelons à la Cour qu’ils peuvent demander des économies dans un secteur néfaste, celui de l’armement. Le budget militaire augmente bien, même si le peuple français souhaite des services publics de qualité et un travail rémunérateur, pas une guerre d’extermination.
Ambroise-JRCF
(1) https://www.ccomptes.fr/fr/publications/premier-bilan-du-pass-culture
(2) https://www.radiototem.net/pass-culture-comment-nos-jeunes-l-utilisent
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