Le 20 janvier 2025, Donald J. Trump foulera de nouveau le tapis de la Maison Blanche et entamera ainsi son mandat de 47ème président des Etats-Unis. Malgré la sonnette d’alarme tirée par une bonne partie des médias dominants, inutile de s’attendre à ce que Trump prenne une autre direction que celle entreprise par le pays jusqu’à présent. En effet, on aura beau dire ce que l’on veut, et aussi fou qu’il puisse paraître, Trump ne fait que s’inscrire dans la mécanique impérialiste de son pays – ce qu’il a déjà montré au cours de son précédent mandat. En revanche, on ne pourrait le placer, lui et Joe Biden, l’ex-président des Etats-Unis, dans une exacte et même case, un peu à l’instar de Raul Castro qui disait – sans doute par malice – qu’il ne “voyait aucune différence entre les Républicains et les Démocrates”, à savoir les deux partis qui se disputent le gouvernement des Etats-Unis depuis des décennies. Oui, il est vrai que Républicains et Démocrates se portent tous deux garants de la politique impérialiste des Etats-Unis, or non, ils ne procèdent pas de la même façon. Deux courants contemporains relativement distincts, sans pour autant être très éloignés, se dégagent de cette légère opposition : ce qu’on pourrait qualifier de “bidenisme”, tiré de Joe Biden, et le trumpisme, inspiré par Donald Trump. En outre, ces deux courants se trouvent dans l’obligation de se lier à l’orée de la passation de pouvoir de Biden à Trump. Quel avenir dessine ce passage du bidenisme au trumpisme pour les Etats-Unis et pour le monde ?
L’intermédiaire
Récemment, Joe Biden se félicitait de son bilan qui aurait, selon lui, rendu “les Etats-Unis plus forts”, alors que l’inflation a bondi au début de son mandat, que le nombre de sans-abris a doublé à sa fin, que le pouvoir d’achat s’est dégradé, qu’il a poursuivi le soutien étasunien massif à la politique génocidaire israélienne et que 80% des étasuniens “estiment que leur situation financière s’est dégradée sous Biden”. Cela étant dit, Biden reprenait dans les grandes lignes les engagements réactionnaires pris par Donald Trump avant lui (2017-2021). Cette filiation, le journaliste du New York Times Ross Douthat la considère comme essentielle à reconnaître à qui veut percer à jour le bidenisme qu’il appelle “trumpisme 2.0”. Il écrit :
« Nous devrions considérer le bidenisme, dans sa forme actuelle [en 2021], comme une tentative de s’appuyer sur le programme politique à moitié formé et jamais achevé de Donald Trump, de la même manière que des éléments du programme de Jimmy Carter ont trouvé leur expression la plus complète dans la présidence de Ronald Reagan. […] Le chroniqueur de Bloomberg Karl W. Smith, […] a récemment qualifié les propositions économiques de Biden de « manifestation cohérente du MAGAisme [=trumpisme], de la même manière que le Reaganisme était une manifestation cohérente de la déréglementation de l’ère Carter ».
Ainsi, Biden n’a fait qu’honorer son rôle de président des Etats-Unis en respectant la règle suiviste que lui imposait officieusement son mandat. Douthat poursuit :
« Biden vient […] reprendre des éléments du populisme trumpiste. Il renforce le protectionnisme dans la politique commerciale et, sans doute, renforce la position belliciste de l’administration précédente à l’égard de la Chine. Il essaie de mettre en œuvre le plan d’infrastructures de mille milliards de dollars promis par Steve Bannon mais que l’administration Trump n’a jamais mis en œuvre. Et il reprend les idées inachevées du GOP du Sénat sur la politique familiale et les surenchérit avec de nouvelles dépenses pour les enfants »
Effectivement, vis-à-vis de la Chine, Biden a exprimé la même méfiance que son prédécesseur et successeur : “ces quatre dernières années ont été marquées par une escalade des tensions commerciales, aboutissant à une guerre commerciale et à des sanctions contre les entreprises technologiques chinoises”, affirme un site internet étasunien répertoriant l’évolution des rapports Chine-Etats-Unis sous l’ère Biden. En outre, Biden n’a pas brisé le mur Mexique-Etats-Unis, au contraire il a repris sa construction, prétextant l’invocation par le Congrès d’une loi de 2019. Et au final, l’investissement qu’il a débloqué à destination des infrastructures résonne dangereusement avec les velléités de Trump de réindustrialiser les Etats-Unis et de renforcer le protectionnisme économique. Un autre journaliste du New York Times surnomme Joe Biden l’“intermédiaire”, le “pont” reliant la politique de Trump qui l’a précédé, et celle qu’il s’apprête tout juste à appliquer, au grand dam de son plus grand opposant en parole.
On le comprend, Raul Castro n’avait pas totalement tort, il n’y a pas de différence idéologique significative entre le bidenisme et le trumpisme, les deux se ressemblent plus qu’ils ne s’opposent.
Disons qu’ils diffèrent principalement l’un de l’autre au niveau de leur attitude, de l’image qu’ils renvoient. Le sujet du traitement des questions sociétales est, par exemple, un aspect cardinal du programme de Biden. Ce dernier s’est régulièrement vanté d’avoir nommé au sein de son administration des personnes LGBT afin, supposons-le, d’absorber les contestataires petits-bourgeois obnubilés par l’intersectionnalité. Même si tous n’ont pas mordu à l’hameçon, ce pinkwashing (concept désignant l’hypocrisie « progressiste » capitaliste) a permis d’attirer à lui suffisamment de petits-bourgeois de gauche pour qu’on en retrouve en masse derrière les Démocrates. Kamala Harris, la candidate qui a remplacé Biden – trop affaibli physiquement pour continuer –, a également joué sur ses qualités de « femme noire » pour gagner des voix. Quel mépris, au passage, pour l’ensemble de la diversité humaine qui forge historiquement la nation états-unienne que de ramener ces questions à de simples calculs électoraux, qui plus est au service de politiques impérialistes mondiales !
Itinéraire d’un enfant gâté : Trump
Ce fard progressiste, Trump est donc loin de le revendiquer. Au contraire, il se plaît à pavaner en parfait réactionnaire, de la tête aux pieds. Homophobe, islamophobe, accusé de viols, sexiste, raciste… Il coche toutes les cases sans montrer une once d’inquiétude. Et pour cause : Trump a grandi dans le Queens, quartier bourgeois à New York, qui le vit “devenir” millionnaire à seulement 8 ans grâce aux placements de son père, promoteur immobilier richissime. Cette situation familiale pour le moins avantageuse l’a évidemment conditionné dès le berceau comme un tueur-né cynique. Je n’exagère presque pas : son mentor qui lui a tout appris, Roy Cohn, avocat (entre autres) de la mafia, avait l’une des pires réputations qu’on puisse imaginer. Il corrompait les juges, harcelait, menaçait… Bref, de vraies pratiques mafieuses qui ont très certainement marqué le jeune Trump. S’il n’avait eu à retenir qu’une seule chose de son enseignement, ce serait celle-ci : ne jamais dire qu’on a perdu, ne parler que de victoires, peu importe les circonstances, c’est-à-dire, ne pas hésiter à mentir. Le constat de cette “attitude” trumpiste fait dire à Ron Christie, analyste républicain ayant travaillé à la Maison-Blanche sous G. W. Bush, que cette “idéologie” est « ce que le président croit selon son humeur et les circonstances du moment ».
Et c’est bien sur son “humeur” que Trump a bâti une grande partie de sa réputation, empilant les mensonges et les exemples d’impulsivité en affaires – c’est ce que les médias aiment dire pour le dénigrer et ils ont raison. Le couac, c’est que ce n’est pas réservé au personnage, c’est plutôt une caractéristique qu’ont absolument tous les hommes politiques. Seulement, quand Trump ment, il le fait de façon brutale, sans langue de bois, ce qui donne une impression de vérité plus grande.
Ses nombreux fiascos économiques gros comme des éléphants, il ne les voit que comme des victoires, car il ne les reconnaît tout simplement pas. Bien entendu, Trump est toujours resté très riche, notamment grâce à l’entreprise de son père qu’il reprend dès ses débuts dans les affaires, mais pas autant qu’il le prétend ; sa fortune a beaucoup fluctué, à la mesure de ses investissements tous plus baroques les uns que les autres. En dehors des casinos et des hôtels de luxe, un lot considérable de produits de la consommation courante comme un steak, de la vodka ou encore de l’eau s’est retrouvé estampillé par le nom de l’homme d’affaire, l’installant progressivement dans de nombreux foyers étasuniens. Mais c’est bien la série The Apprentice (2004-2017) qui lui consacre, aux yeux de tous les étasuniens qui bientôt reprennent en chœur son célèbre “vous êtes viré !”, l’image de milliardaire tout-puissant qu’il va continuer à exploiter.
Avant la série, en 2000, Trump s’était présenté candidat à la présidentielle au nom du Parti de la Réforme, d’où il se retire en voyant venir sa défaite. Il était déjà un personnage clef de la culture étasunienne (il apparaissait régulièrement à la télévision, dans des films, etc.), mais pas assez visiblement pour l’emporter sur les Démocrates et les Républicains. A la suite de cet échec, Trump enchaîne les déclarations d’ordre politique, du fait qu’il est lassé que son pays “se fasse arnaquer”.
Toujours dans l’idée de communiquer au plus proche de ses concitoyens, il se lance sur Twitter (aujourd’hui X) en 2009 sur lequel il se fait mondialement connaître, puis participe à des émissions Youtube (visant un public jeune) et multiplie les polémiques, qui l’amènent à remettre en cause la citoyenneté d’Obama, par exemple. Ce qui est pour le moins surprenant, vu que la majorité des milliardaires ont pris pour habitude de doper à fond les caisses des démocrates, dont fait partie Obama.
Trump lui-même a longtemps été chez eux, et les a soutenus financièrement à de nombreuses reprises. Ce n’est donc qu’en rejoignant Twitter qu’il quitte le navire des démocrates pour le parti de l’adversaire. En 2015, il confirme son zèle en annonçant sa candidature à la Maison-Blanche pour le parti les Républicains, et l’emporte contre toute attente sur Hillary Clinton. Son élection est couverte par tous les médias dominants, qui se bousculent pour l’insulter le plus violemment, lui qui refuse le pinkwashing ou le greenwashing (variante du pinkwashing, relative à l’environnement) mis en avant pour amadouer les masses. Évidemment, cette propagande lui confère une aura de personnage anti-système qui plaît, qui rassure l’étasunien moyen se trouvant enfin “représenté”. Ses deux tentatives d’assassinat l’héroïsent à un point rarement vu dans l’histoire des Etats-Unis, surplombant tous les discours anti-Trump des médias. En France, force est de constater qu’il dégage une influence relativement similaire, car comment ne pas trouver risibles ces lignes d’un journaliste de Libération, quelques temps après l’élection de Trump, qui disent : “On s’inquiète, on panique, on ne veut pas y croire… Les Américains ne peuvent pas nous faire ça.”
Se souvenir du rêve américain
Make America Great Again (= rendez sa grandeur à l’Amérique) et America First (= l’Amérique d’abord) sont les slogans phares de Trump qui font tant pleurer dans les chaumières. Ils s’appuient sur la période d’après-guerre aux Etats-Unis, où le pays, fort de sa domination sur une Europe assouvie et détruite, a pu améliorer de manière significative le niveau de vie de sa population grâce à ses pratiques impérialistes en Europe et ailleurs dans le monde (clientélisme, coup d’Etat, installation de dictature fasciste, terrorisme, menaces de sanctions, blocus économique, etc.). Rien qu’entre 1946 et 1973, le revenu réel des ménages a augmenté de 74 %, soit une hausse annuelle moyenne de 2,74%, ce qui est tout bonnement énorme. Bien que les minorités restaient encore largement à la marge (et c’est peu dire, l’apartheid racial prend fin en 1964), elles bénéficiaient tout de même relativement de ces changements drastiques. Suffisamment de quoi, on s’en doute, en mettre plein la vue à une classe ouvrière de nos jours désemparée et qui peine à se faire entendre malgré la multiplication des grèves massives (comme la récente grève des dockers).
Pour se rendre compte du phénomène de décadence que connaissent les Etats-Unis, il suffit de prendre à titre d’exemple l’évolution des salaires réels : “au milieu des années 1990, le salaire horaire réel moyen d’un ouvrier de la production était inférieur à 85 % de ce qu’il était en 1973” écrivent les chercheurs Alan Greenspan et Adrian Woolridge. Ainsi, en dépit de son conservatisme raciste, Trump est parvenu à gagner une partie suffisante de l’électorat noir et latino – même s’il reste concentré sur le prolétariat chrétien blanc – en mobilisant un passé révolu centré sur l’augmentation nette du pouvoir d’achat, et en pointant du doigt l’immigration, la Chine et les démocrates comme responsables de la crise. Son populisme ne connaît pas même les limites des théories du complot auxquelles il estime adhérer : le covid-19 est un “virus chinois”, le réchauffement climatique n’existe pas, Biden a triché pour les élections…
Encore une fois, Trump cumule toutes les médailles. Il ne faut pas non plus oublier l’influence manifeste de l’engagement des démocrates, via Biden, dans des conflits comme celui en Ukraine, en Palestine ou en mer de Chine, qui envoient des milliards de dollars à des cliques néo-fascistes, ce qui a pour effet d’exciter la colère des Étasuniens les plus pauvres et de décrédibiliser son parti. Certains “communistes” et “anti-impérialistes” autoproclamés vont ainsi jusqu’à afficher leur soutien complet pour le milliardaire qui, on le sait, hait au plus haut point les marxistes et les anti-impérialistes. « L’émancipation des travailleurs ne sera l’œuvre que des travailleurs eux-mêmes » n’est pas qu’une simple suite de mots écrits par Marx. C’est avant tout un appel très préventif contre l’opportunisme droitier dans lequel plongent ceux qui oublient qu’un milliardaire réactionnaire à la tête de la première puissance capitaliste mondiale est tout sauf un allié ou un ami.
Ses soutiens les plus gros économiquement parlant, en revanche, ne se font pas d’illusion quant à ses promesses sociales. Néanmoins, les médias nous l’ont bien démontré, à l’heure de l’effritement de l’hégémonie étasunienne à travers le monde, Trump reste loin de faire consensus au sein de la bourgeoisie, il la divise même assez largement. À ce sujet, le journaliste pro-Trump Caleb Maupin dit qu’ « il y a une division au sein de la classe dominante : c’est la classe managériale et celle des ultra-riches contre les nouveaux entrepreneurs ». Aussi horrible qu’est le personnage, il faut reconnaître qu’ici il touche juste.En effet, Trump rallie à lui la bourgeoisie industrielle et pétrolière, la bourgeoisie de l’armement et la petite-bourgeoisie commerçante qui pensent sur le court terme, tandis que la bourgeoisie managériale et bancaire (les “ultra-riches”, les “mondialistes” qui ont tendance à penser à la “paix sociale”) et la petite-bourgeoisie de l’animation se montrent favorables aux démocrates en privilégiant le long-terme.
En 2022, sur « 691 fondateurs ou PDG d’entreprises technologiques basées aux États-Unis, avec un effectif moyen de 100 personnes […], 61,3 % d’entre eux déclarent s’identifier au Parti démocrate, contre seulement 14,1 % au Parti républicain ». Par ailleurs, la bourgeoisie des nouvelles technologies de la Silicon Valley penche très franchement du côté des démocrates, notamment à cause du pinkwashing et du greenwashing du parti qui pourraient assurer un apaisement des tensions nationales interclasses – pour certains, les deux partis sont si proches en pratique qu’il faut bien choisir sa propre pierre de touche…
Appartenant à la fois à la classe politique déléguée par la bourgeoisie (Losurdo, 2016) et surtout à la bourgeoisie de l’immobilier, Trump n’ignore évidemment pas les aspirations de sa classe, et c’est la raison pour laquelle il est parvenu à recueillir en 2024 450 000 millions de dollars de dons, contre 143 millions pour Harris. De plus, si l’on fait un petit détour et que l’on revient à l’invasion du Capitole par les partisans de Trump, suite à la victoire de Joe Biden, il faut se rappeler que « ce projet était soutenu par une partie de la classe dirigeante capitaliste », ainsi que le note le philosophe Gabriel Rockhill. Trump n’a donc rien d’un homme anti-système : il ne suffit pas d’être un beauf impérialiste pour intimider un marxiste. Comme le précisait Marx : « toute science serait superflue si l’apparence répondait directement à la nature des choses ». De telle sorte qu’il nous semble impératif de revenir sur son programme précédent si l’on veut comprendre ce qui arrive, en allant au-delà des simples apparences.
Promesse ou soumission
À force de lire des articles sur les présidents étasuniens, je me suis demandé à plusieurs reprises si je n’étais pas fou. Des gens très sérieux accusent Trump et Biden d’être marxistes, socialistes, complaisants avec Kim Jong Un, comme si finalement ils étaient anti-impérialistes. Ce type d’accusation vise tout particulièrement Trump, on s’en doute, qu’un journaliste comme Brice Couturier accuse – à jeun – de sympathie avec l’Iran et la Russie…
Dans la réalité, c’est une autre histoire, et bien plus dramatique pour le camp progressiste. Au terme de sa politique étrangère, Trump poursuit la politique pro-Israël des Etats-Unis, sa phobie de la Chine, il augmente la pression sur Cuba, met fin au traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire et au traité Ciel ouvert (encourageant la marche à la Troisième Guerre mondiale). Se montrant durant son premier mandat très virulent par rapport à l’OTAN, sans qu’aucune mesure de taille ne soit prise pour endiguer son influence. Il exprime sa volonté de retirer les troupes étasuniennes de Corée du Sud et d’Afghanistan. Pourtant, seules les troupes d’Afghanistan rentreront à la maison… sous le mandat de Joe Biden.
En matière économique, le professeur d’économie et économiste à l’OCDE Patrick Lenain estime qu’il a tenu ses promesses ; il commence par revenir sur le pays qu’a trouvé Trump en s’asseyant sur le fauteuil de la Maison Blanche : un PIB en croissance, des emplois en expansion, un taux de chômage le plus bas enregistré depuis 50 ans, etc. De plus, de 2001 à 2010, les Etats-Unis connaissent une désindustrialisation massive, visant quelques Etats seulement. S’accompagne ainsi une perte de l’emploi dans ces Etats qui va, par ailleurs, débuter en même temps que l’intégration de la Chine à l’OMC (en 2001), en raison du nouveau paradigme concurrentiel dans lequel se trouvent les entreprises étasuniennes. D’où, en partie, la haine qu’agite Trump contre le pays du Milieu, qui lui permet alors de justifier la hausse des prix de douane sur les importations de produits chinois.
Trump sort les Etats-Unis du Partenariat TransPacifique (TPP), de l’accord de Paris sur le Climat et il “améliore” l’accord ALENA en le transformant en l’accord AEUMC. Sur le climat toujours, il supprime « les mesures environnementales de l’administration Obama » et 68 lois bénéficiant à l’environnement.
Il prétend également avoir baissé les impôts comme personne, au profit de la classe moyenne étasunienne. Lenain préfère voir ceci : « environ 80 % des contribuables voient […] leurs impôts baisser, notamment ceux des tranches de revenus les plus élevées ; environ 15 % des contribuables ne bénéficient pas de la baisse des impôts, notamment les ménages à faibles revenus. Selon les analystes, la réforme accroît donc les inégalités de revenus, mais avec un impact modéré ». Trump a aussi fait de gros cadeaux aux banques, accélérant une dérégulation déjà programmée.
Sur le plan social, il a réduit à fond les dépenses publiques, comme celles relatives à l’Obamacare, une réforme de l’assurance maladie faite sous Obama et réduite sous Trump, qui « était vue favorablement par la moitié des Américains, et permettait à 20 millions de personnes, autrefois sans couverture, de pouvoir accéder aux soins médicaux ». Hormis la casse de l’Obamacare, 7 millions d’Étasuniens perdent leur protection sociale et la consommation de drogue augmente.
Il faut aussi se pencher sur la manière dont a été gérée la crise du Covid-19 : lentement, minimisant les risques du fait du complotisme de Trump – ou plutôt de son envie de garder intact le portefeuille de la bourgeoisie –, laissant pour morts 205 000 étasuniens, soit « le coût le plus élevé au monde ».
Trump a également fait construire un mur anti-immigration à la frontière Etats-Unis-Mexique, freinant de cette façon le flux migratoire à la hauteur de sa démesure.
Il n’y a pas d’autre alternative
Toujours autant obnubilé par l’immigration, Trump affirme qu’il prévoit pour son nouveau mandat (une redite de son programme précédent) de « mettre en place le plus grand programme d’expulsion de l’histoire américaine ». Il puise ses sources conservatrices dans les recommandations du laboratoire d’idées (think tank) The Heritage Foundation, réactionnaire au possible, qui affiche fièrement sur son site sa contribution importante au gouvernement réactionnaire Reagan. Trump avait déjà nommé 66 de ses ex-membres en 2017 à l’intérieur de son gouvernement, et réitère aujourd’hui en appelant – pour ne citer qu’eux – à la tête de la CIA John Ratcliff, membre du think tank, Russ Vought (qui a travaillé pour le think tank) à celle du Bureau de la gestion et du budget, Stephan Miller (ex-membre du think tank) au poste de conseiller de la Sécurité intérieure, ou encore Tom Homan (ex-membre du think tank) comme responsable du Service de l’immigration et des douanes des États-Unis (United States Immigration and Customs Enforcement)… Alors même que Trump avait promis de ne pas donner de place aux auteurs du fameux Projet 2025, chapeauté par le think tank… Pardon, le quoi ?
Le Projet 2025 est un long document de centaines de pages défendant la nécessité de transformer les Etats-Unis en une théocratie fasciste, un manuel détaillé destiné au prochain président des Etats-Unis (Trump actuellement), quel qu’il soit. Un youtubeur étasunien indique que « [pour son application], bien que Trump soit évidemment son favori, le plan ne dépend pas du vainqueur des présidentielles », ce qui conduit à penser que son application est inévitable. Cependant, le Projet 2025 est tellement réactionnaire que Trump a dû à plusieurs reprises le désavouer ; mais est-il réellement sincère dans sa démarche ? Poser la question après avoir évoqué l’accointance entre Trump et le think tank, c’est y répondre… Je vais ici donner un bref aperçu de ce qui pourrait attendre les Étasuniens si le Projet 2025 était mis sur la table.
D’un point de vue purement idéologique, on a affaire à de l’anticommunisme assumé, nourri de nationalisme chrétien et d’une fascination pour les armées : « [Le Projet 2025] est un modèle pour le fascisme », selon l’ancien conseiller de Donald Trump, Anthony Scaramucci. Pas d’ambiguïté, pas de place au doute ; au programme : coupes budgétaires, destruction des derniers services publics, militarisation accrue, etc.
Dans le domaine de la santé, le projet propose que le « ministère de la Santé et des Services sociaux devrait ‘’maintenir une définition du mariage et de la famille fondée sur la Bible et renforcée par les sciences sociales’’ ». Pour ce faire, il souhaite déjà que l’avortement soit interdit dans tout le pays. En outre, l’accès aux aides médicales et nutritionnelles sera énormément réduit, voire supprimé dans certains cas ; si le Projet 2025 est appliqué, Head Start (“programme du Département de la Santé, de l’éducation et des services sociaux des États-Unis qui fournit une éducation complète, des services d’implication parentale, de santé, de nutrition, aux enfants à faibles revenus et à leurs familles”), dont ont bénéficié des dizaines de millions de familles pauvres, sera jeté aux oubliettes.
Au niveau militaire, le pouvoir serait drastiquement concentré dans les mains du président, pour faciliter les “déportations massives” et la création de “camps géants” de transit pour les immigrés clandestins pouvant en accueillir jusqu’à 100 000 ; en somme, comme le dit Trump, « mettre en place le plus grand programme d’expulsion de l’histoire américaine ». Le Projet 2025 prépare aussi la Troisième Guerre mondiale « en augmentant les dépenses militaires à hauteur de centaines de milliards de dollars au cours des cinq à sept prochaines années », tout en s’assurant d’enregistrer un maximum de citoyens pour connaître leur disposition à la guerre. Le nombre de policiers, les mesures de surveillances, le déploiement de la Garde nationale : tout sera dopé à fond. Gourmand, le pays au nombre – hors ratio – le plus élevé d’incarcérés (25% sur l’ensemble des prisonniers dans le monde selon l’ONU) compte aussi durcir la répression anticriminalité. Puis dans un pays où l’espérance de vie est en baisse, et où « 70 % des 17-24 ans sont inaptes au service militaire, parce qu’ils sont obèses ou diabétiques, ou parce que leurs compétences en lecture et en écriture sont trop faibles », mieux vaut se préparer en amont si on envisage une guerre mondiale.
Pour ce qui est de l’éducation, le département responsable serait tout simplement démantelé, les écoles privées revalorisées, les écoles publiques laissées quasiment à l’abandon, les programmes d’aides (dont bénéficient la majorité des Étatsuniens) annulés, et la censure monnaie courante (si elle ne l’est pas déjà). En effet, l’homosexualité, entre autres, serait bannie des ouvrages universitaires et pédagogiques : « le Projet 2025 renforcerait l’interdiction des livres et imposerait un climat plus fort de censure et d’autocensure dans les écoles et les campus universitaires, et réduirait au silence les enseignants et les étudiants, le tout à l’échelle nationale ». Cette destruction méticuleuse du système éducatif ne date pas d’hier, mais il est frappant de voir combien elle s’accélère d’année en année, et pousse ainsi les plus jeunes à travailler au lieu d’aller à l’école. L’historien américain Steve Fraser relève en effet que « le nombre d’enfants au travail aux Etats-Unis a augmenté de 37% entre 2015 et 2022. Au cours des deux dernières années, 14 États ont introduit ou promulgué des lois annulant les réglementations qui régissaient le nombre d’heures pendant lesquelles les enfants pouvaient être employés, réduisant les restrictions sur les travaux dangereux et légalisant les salaires minimums pour les jeunes ». Et rien ne les empêche de travailler à la chaîne, de nuit, ou sur des chantiers.
Sur le plan de la justice, une partie du programme est déjà en train d’être instaurée :
« D’après ses récents arrêts, il est clair que la Cour suprême est en train d’accélérer le calendrier du Projet 2025 sur le plan de la justice, à la fois en termes de nouvelles politiques particulières, mais aussi en termes de mainmise sur le pouvoir de l’exécutif qui est au cœur de ce mandat (et maintenant des décisions de la Cour) », écrivent deux militantes associatives.
Hic Rhodus, hic saltus
Le capitalisme pourrissant étasunien suit donc la même voie que ses vassaux européens, embourbés dans la perte de vitesse du maître yankee. Plus de fascisme pour plus de risque de Troisième Guerre mondiale. Les médias ont trop focalisé notre attention sur les élections américaines comme un simple affrontement de personnalités, d’attitudes, alors qu’il suffit pour différencier les candidats de regarder les mouvements des capitaux et leur poids réel, en somme de faire une analyse scientifique, marxiste. On comprend qu’il est nécessaire pour nous de réconcilier, pour ainsi dire, le noumène et le phénomène en évitant de les opposer en bloc et de succomber aux sensations des médias. Arrivé à ce stade de l’analyse, nous le pouvons le dire : le diagnostic est tragique pour la bourgeoisie : elle sait qu’elle connaît certainement ses derniers instants. Le prolétariat, étasunien et mondial, doit donc se tenir prêt, s’endurcir d’ici la grande bataille, à l’aide d’un Parti communiste combattif de portée nationale, mais aussi internationale (que nous appelons « l’Internationale communiste » qui manque terriblement au prolétariat mondial aujourd’hui), pour que les choses puissent enfin changer. Même si les conditions sont dures, ce sont les seules dans lesquelles l’action peut s’exécuter.
Ces dernières années, les grèves et mobilisations sociales ont augmenté de façon majeure aux Etats-Unis, signes d’un peuple qui a marre de se dire à chaque fois, à l’instar du PDG de Black Rock : « Peu importe qui remporte les élections américaines » , mais ajoutant, contrairement à ce dernier, « dans tous les cas, on trinque ».
On pense, dans ces moments, aux victoires et luttes glorieuses passées du peuple étasunien, qui n’est pas à confondre avec son président ni avec son gouvernement, répudiés par une majorité de sa population. Quand on critique les Etats-Unis encore faut-il être précis, en prenant exemple sur ces Cubains qui disent : « Les Etats-Unis sont démoniaques [mais] le peuple est bon ».
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