Trump est-il un agent de la Russie poutinienne ?

par | Mar 17, 2025 | International | 0 commentaires

Depuis le mois de Février 2025, les Etats-Unis et la Russie ont repris le dialogue à l’initiative de l’administration Trump. Les présidents américain et russe se sont parlés longuement au téléphone et des rencontres entre américains et russes seraient au dernières nouvelles prévues en Arabie Saoudite. De plus Trump et Vance ont humilié Zelensky dans un entretien à Washington, haussant le ton en lui disant qu’il n’avait pas les cartes en mains. Evidemment les médias aux ordres ont sauté sur l’occasion, tout comme les dirigeants impérialistes européens – jusque-là complètement soumis à l’impérialisme hégémoniste américain – pour accuser Trump d’être un agent russe, d’être pro-russe, d’être même un “agent du KGB” selon le clown Yakovleff sur LCI. Il faut dire qu’en 2016, les franges anti-trumpiennes des dirigeants impérialistes occidentaux, et leurs relais médiatiques, politiques et éducatifs en tout genre accusaient déjà la Russie d’ingérence dans les élections américaines, d’avoir permis la victoire de Trump.

La réalité sur le revirement américain et l’entêtement des européens est évidemment tout autre. Si Trump (qui promettait il y a encore peu de temps de maintenir les aides à l’Ukraine) a décidé d’engager un processus de paix avec la Russie, c’est pour des raisons bien plus pratiques : les Etats-Unis ont comme ennemi principal la Chine et n’ont pas réussi à faire gagner l’Ukraine malgré les centaines de milliards envoyés et le nombre incalculable d’armes (des plus basiques aux plus coûteuses et sophistiquées), ils ont simplement ralentit l’avancée russe, et enlisé la Russie pendant la période Septembre 2022 – Février 2024 (de la première contre-offensive ukrainienne à la victoire russe d’Avdiivka). Nous développerons sur ces deux sujets plus bas. Les impérialismes européens quant-à-eux s’embourbent dans une propagande de guerre russophobe délirante, arguant que la Russie est une “menace” pour la France et l’Europe (tout en prétendant qu’elle aurait 2000 morts par jour sur le front en Ukraine, réparerait des chars avec des machines à laver et utiliserait des Chameaux sur le front), et qu’il faut réaliser la grande union sacrée patriotique et s’engager dans l’économie de guerre pour se “préparer” et “résister” contre la Russie. La réalité est qu’ils jouent sur la peur des gens pour pouvoir leur extorquer davantage d’argent et légitimer le saut fédéral européen et la fascisation dont les capitalistes de l’UE ont besoin. En effet la marche à la militarisation de la jeunesse, à la création d’une armée européenne, au saut fédéral européen et à la persécution des classes populaire par l’austérité et les attaques antisociales, doublées de persécutions et de propagande racistes contre les immigrés, ne font que préparer la réalisation d’une nouvelle version “soft” de l’ancien projet hitlérien. Cette marche est une marche vers le IVe Reich.

Désormais nous devons voir dans le détail les raisons du revirement trumpien. Il y a deux principales raisons : la première est la défaite militaire de l’OTAN en Ukraine (doublée d’une victoire politique et géopolitique partielle), et la deuxième est la stratégie trumpienne au niveau géopolitique pour attaquer la Chine.

Studio France 24

1)Résumé du conflit en Ukraine

Nous devons tout d’abord nous attarder sur la chronologie du conflit. Il se découpe en cinq périodes principales : 2014 – 2015, début du conflit entre le régime bandériste de Kiev et les forces pro-russes du Donbass ; 2015 – 2022, le conflit perd en intensité et se retrouve dans une impasse, il est invisibilisé par les médias ; Février – Septembre 2022, première phase de l’invasion russe et échec de cette dernière ; Septembre 2022 – Novembre 2023, contre-offensives otaniennes et enlisement de l’armée russe ; Novembre 2023 – Mars 2025, avancée russe en continu et incapacité de l’OTAN à la contrer.

A) 2014 – 2022

En Décembre 2013, des manifestations pro-occidentales débutent sur la Place de l’Indépendance (Maïdan Nézaléjnosti), pour protester contre le refus du gouvernement de signer un accord avec l’UE qui allait transformer les Ukrainiens en esclaves des entreprises occidentales. Cette nouvelle révolution de couleur fait suite à celle de 2004 qui avait mis au pouvoir Viktor Ioushchenko, et se déroule dans le cadre de l’expansion de l’OTAN vers l’Est et de la volonté américaine de prendre le contrôle de la Russie pour les ressources naturelles de cette dernière.

Cette fois-ci, des milices fascistes (Svoboda et Pravy Sektor) engagent des violences à l’encontre de la police, le Maïdan devient un champ de bataille entre le gouvernement ukrainien de Ianoukovitch et les milices néonazies. En Février, le président ukrainien fuit et est remplacé par un gouvernement d’extrême droite sous la direction du milliardaire Petro Porochenko.

Le nouveau gouvernement pro-Occidental montre très vite son visage en réhabilitant le criminel génocidaire russophobe, belarussophobe, polonophopbe et antisémite Stepan Bandera (qui a collaboré avec les nazis jusqu’à être arrêté par ces derniers en Juillet 1941 et voir une partie de sa famille se faire assassiner par les mêmes), en persécutant les russophones (fin du paiement des salaires et des pensions, retrait de la langue russe comme officielle) (1), et en détruisant le code du travail (puis dans les années suivantes en interdisant les partis de gauche, dont le parti communiste et Borotba dès 2014). Les populations russophones attaquées, elles ont donc commencé à se défendre. Le soulèvement en Crimée conduit à l’annexion de cette dernière par la Russie en Mars 2014. 

Dans le Donbass, les oblasts de Donetsk et de Lougansk deviennent des “Républiques Populaires” soutenues par la Russie. Les communistes aux postes de responsabilité (comme Boris Ltivinov) sont putschés assez rapidement par les poutiniens. La guerre civile éclate entre les milices pro-russes défendant le Donbass, et le gouvernement otano-bandériste, russophobe et anti-communiste. Les insurgés subissent des défaites militaires (comme à Marioupol, reprise par le tristement célèbre bataillon néo-nazi Azov) mais remportent aussi des victoires comme à l’aéroport de Donetsk. En octobre 2014, Porochenko fait un discours appelant au nettoyage éthnique des russophones du Donbass (2).

En 2014 et 2015, les dirigeants occidentaux et russe se réunissent à Minsk (Biélorussie) pour discuter d’une solution au conflit, qui prendrait comme points principaux la non-intégration de l’Ukraine à l’OTAN, la fin des persécutions russophobes et l’autonomie des deux républiques du Donbass. Evidemment, les cessez-le-feu ne sont pas respectés et la guerre reprend sous forme de guerre de positions (comme durant la 1ère Guerre Mondiale). Les accords de Minsk n’auront pas été respectés par les Occidentaux et François Hollande déclara même que leur but était de gagner du temps pour armer l’Ukraine, en faisant croire à la Russie à une solution pacifique, pour pas qu’elle n’intervienne trop vite (3).

En 2017, le président américain Donald Trump donna à l’Ukraine un certain nombre d’armes sophistiquées, comme des missiles Javelin (missiles à tête chercheuse). 

Le regain de tensions a commencé fin 2021. Le projet d’intégration de l’Ukraine à l’OTAN a été réactivé, forçant la Russie à demander des négociations, qui ont été refusées. La Russie commença alors à faire pression en massant des troupes aux frontières ukrainiennes, ce qui accentua les tensions et poussa Biden en Janvier à menacer à demi-mots la Russie d’invasion militaires. Le 18 Février, l’Ukraine (dirigée depuis 2019 par un Zelensky élu sur sa promesse non respectée de lutter contre la corruption et de faire la paix au Donbass) massa ses troupes aux frontières des deux républiques du Donbass, qui le 21 Février furent reconnues par la Russie (ce qu’elles n’étaient par aucun Etat jusqu’alors). Le Jeudi 24 Février, Poutine fit une allocution annonçant le début d’une “Opération Militaire Spéciale” pour “démilitariser et dénazifier” l’Ukraine. Evidemment, en faisant ça, la Russie se rend coupable de donner à l’OTAN et aux mouvements fascistes ukrainiens des excuses pour se renforcer et se souder, et défendre tous azimuts leur propagande russophobe. C’est aussi une excuse pour les lobbies de l’armement américain, pouvant désormais s’enrichir par l’armement de l’Ukraine, et qui seront les véritables vainqueurs quelle que soit l’issue.

B) 2022 – 2025

Les succès militaires initiaux de la Russie ont poussé à des négociations et à un accord qui était sur le point d’être signé en Avril 2022, cet accord ressemblait à peu près à ceux de Minsk. Le 9 Avril cependant, Boris Johnson, 1er Ministre du Royaume Uni, rencontra Zelensky pour le convaincre de continuer la guerre, en prétendant que les sanctions pousseraient à un effondrement de l’économie russe, à des soulèvements contre Poutine, et donc à une défaite, que l’Ukraine n’avait qu’à tenir quelques mois. Les négociations s’arrêtèrent, la Russie ne réussit pas son plan d’invasion initial et procéda à des replis stratégiques en retirant les soldats du nord de l’Ukraine.

En Septembre, une contre-offensive ukrainienne permit à ces derniers de reprendre beaucoup de terrain, en effet 1 000 000 d’hommes étaient alignés par l’OTAN, contre seulement 140 000 par la Russie, forçant à des replis stratégiques. Cependant, cette contre-offensive ne conduisit pas l’Ukraine à une victoire, tout comme celle de Juin à Novembre 2023 qui fut un échec.

Malgré les contre-offensives et la supériorité numérique de l’armée otano-kievienne, malgré l’incursion au sud de Koursk qui n’a donné aucun résultat tangible autre que gaspiller les meilleurs unités ukrainiennes et d’étirer la ligne de front, la Russie réussit à gagner un certain nombre de villes stratégiques comme Marioupol, Bakhmout (de son vrai nom Artiomovsk), Avdiivka, Vouhlédar, Tchassiv Yar, etc. La Russie a eu l’intelligence stratégique de rationaliser la guerre. Déjà avec la tactique défensive du “Hachoir à viande”, qui consiste à se retrancher pour éliminer les vagues successives d’infanterie ukrainienne, et qui a coûté un nombre effroyable de pertes à l’armée otano-kievienne, et aussi avec une tactique offensive de tâtonnement sur la ligne de front pour identifier les endroits sensibles, et donc avancer plus facilement. Le bilan humain de cette guerre est probablement d’entre 100 000 et 700 000 côté russe (estimations des plus basses aux plus élevées), et d’entre 700 000 et 1 000 000 voir plus côté otano-kiévien (en Janvier 2024, Youri Loutsenko, procureur général ukrainien parlait en off de 500 000 pertes côté ukrainien, aujourd’hui les russes parlent de 1 000 000). Évidemment ce massacre d’Ukrainiens pour le service de l’impérialisme occidental, n’est pas dans l’intérêt de l’Ukraine et des Ukrainiens, mais dans l’intérêt des monopoles capitalistes occidentaux voulant prendre le contrôle de ce pays qui leur est stratégique (notamment le port d’Odessa, mais aussi le Donbass qui regorge de ressources naturelles, par exemple en Lithium) et voulant affaiblir la Russie, dans la stratégie d’encerclement de cette dernière. En effet la Sibérie regorge aussi de ressources naturelles, et découper la Russie en plusieurs morceaux sans souveraineté (la “Balkaniser”) serait un avantage, le secrétaire d’Etat américain Zbigniew Brzezinski le préconisait pour cette raison dans Le Grand Échiquier (1997).

Il est évident que même si la Russie a gagné sur le plan militaire, elle a par son erreur du 24 Février 2022 permit à l’Occident de réaliser ses objectifs d’affaiblissement de la Russie sur les autres plans. En effet, la Finlande est entrée dans l’OTAN, l’Ukraine n’y est pas officiellement mais son armée est informellement une armée de l’OTAN (si bien que à défaut que l’Ukraine soit dans l’OTAN, c’est l’OTAN qui est dans l’Ukraine) et elle a perdu son allié syrien car concentrée sur l’Ukraine.

2) La stratégie de Trump

Désormais intéressons-nous aux véritables buts de Trump. Les médias nous disent qu’il est pro-russe, ce qui est loin de la réalité. Trump défend les intérêts de l’impérialisme hégémoniste américain, qui sont en contradiction avec la souveraineté nationale de la Russie, dont la bourgeoisie russe et Poutine ont besoin pour faire renaître leur propre impérialisme. Cette contradiction va visiblement revêtir un caractère secondaire pour la prochaine séquence historique, mais elle restera présente.

En effet la stratégie de Trump consiste à s’attaquer en premier lieu à la Chine, qui est une puissance remettant en cause l’hégémonie américaine et dont le régime, dirigé par un parti communiste, comporte des caractéristiques “socialisantes” du fait du virage à gauche entrepris sous Xi Jinping (bien que ceci laisse à désirer en comparaison avec la Chine socialiste de l’époque Mao Tsé-toung). La Chine est quasiment la première puissance économique mondiale et elle investit dans beaucoup d’endroits en Europe, Asie et Afrique (exemple des Nouvelles Routes de la Soie), elle concurrence les États-Unis sur le marché mondial. Evidemment les Etats-Unis ne peuvent pas accepter qu’une puissance de ce type puisse contrer leur hégémonie. C’est de leur point de vue le “péril jaune” doublé du “péril rouge”.

Le cauchemar de l’hégémonie américaine est une alliance russo-chinoise, ce que Brzezinski théorisait déjà en son temps dans le livre cité plus haut, et ce, car l’hégémonie américaine a besoin de contrôler l’Eurasie, et d’une Chine affaiblie et morcelée et d’une Russie encore plus affaiblie et morcelée. Ce même Brzezinski préconisait donc dans les années 2010 la stratégie de calmer les tensions avec la Russie. La stratégie de Trump s’inscrit dans une vision d’isolement de la Russie et de la Chine, pour les combattre une par une plus efficacement, en renouant le dialogue avec la Russie.

Trump a pour ambition le retour à la Chine du XIXe siècle, soit une Chine affaiblie et sous colonisation occidentale. Les États-Unis cherchentà diviser la Chine en appuyant les volontés indépendantistes de certaines régions. La Chine est un pays comptant beaucoup de ressources naturelles, ce qui est essentiel pour les taux de profits des trusts américains.

Donc tout en calmant le jeu avec la Russie (ce qui pourrait potentiellement faire passer cette dernière dans le camp américain et ainsi la retourner contre la Chine) qui est un ennemi secondaire de l’administration Trump, car plus faible que la Chine, les USA vont se concentrer sur cette dernière par la “guerre commerciale” (les attaques contre le Canada et le Groenland avec des ambitions d’annexions en font partie), le soutien aux séparatismes et les provocations en mer de Chine. On peut également se demander comment vont évoluer les relations avec la Corée du Nord, car même si les tensions se sont apaisées en 2018 et 2019 avec les sommets entre Trump et Kim Jong Un, elles pourront reprendre. La Corée du Nord et la Chine sont effectivement des Etats amis partageant des intérêts en commun (bien que la Chine se soit rendue coupable en 2017 de sanctions envers la RPDC après un essai nucléaire de cette dernière, de ce point de vue, la Chine s’était alignée sur l’Occident).

Dans cette affaire l’Europe fait, malgré les contradictions apparentes, le jeu des Etats-Unis, car ces derniers se désengageant, l’Europe cherche à se réarmer (5). Ce qui permettra aux US de tout de même endiguer la Russie en Europe sans avoir à s’engager eux-mêmes, du fait de l’argent et du matériel que leur a coûté le sacrifice criminel de l’Ukraine et des Ukrainiens, et la défaite de Kiev, et du fait tout simplement du monstrueux coût humain et matériel d’un affrontement avec la Russie en Europe.

En conclusion, nous dirons qu’il est donc nécessaire d’adopter une lecture matérialiste du sujet. Trump est comme tout dirigeant étatsunien un russophobe invétéré. Il l’est par racisme, par pro-impérialisme et par pro-hégémonisme. Seulement, il est face aux deux problèmes cités : la défaite ukrainienne et la montée en puissance de la Chine, l’obligeant à adapter sa stratégie pour faire survivre l’hégémonie américaine. La Russie s’étant objectivement affaiblie avec son aventure ukrainienne, elle n’est plus autant à craindre pour les américains. Ces derniers vont donc tenter de la séparer de la Chine et de la retourner contre pour l’affaiblir encore plus, et ainsi la transformer en semi-colonie voir pire (la balkaniser) une fois la Chine vaincue et transformée elle aussi en semi-colonie. Si évidemment l’Histoire des prochaines années et décennies se déroule comme ça, ce qui n’est pas sûr, car la Chine est assez puissante pour résister et la Russie poutinienne n’est plus assez stupide pour ne pas se rendre compte des objectifs américains (et la Russie est tout de même assez puissante tant politiquement que militairement pour résister à une agression politique ou militaire directe de l’OTAN). Trump est, a été et restera un défenseur de l’impérialisme hégémoniste américain, et mènera toutes ses politiques et tous ses calculs dans cet objectif.

Raphaël-JRCF

(1) https://www.temoignages.re/international/monde/crise-en-ukraine-l-abolition-du-statut-du-russe-en-tant-que-seconde-langue-officielle-dans-le-donbass-principale-cause,103513

(2)https://www.liberation.fr/checknews/le-discours-de-petro-porochenko-sur-le-sort-reserve-a-la-population-du-donbass-en-2014-est-il-authentique-20220315_G5UR4OUEKZFDBDXT2J4U6MPRYY

(3) https://dai.ly/x8juuxu

(4) https://www.russiamatters.org/analysis/brzezinski-russia-insights-and-recommendations

(5) https://jrcf.fr/2025/03/16/lue-soppose-t-elle-aux-usa/

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