“C’est un film contre l’injustice, contre l’humiliation. Ce qui prévaut, c’est la motivation de la guerre d’Algérie. Pour les jeunes qui n’ont pas connu cette époque, cela les aidera à comprendre, tandis que les plus âgés reconnaîtront la vérité dans ce qui est raconté.”
Mohamed Lakhdar-Amina à propos de son film Chronique des années de braise (1)
À l’occasion des 50 ans du film Chronique des années de braise de Mohamed Lakhdar-Amina, grand vainqueur de la Palme d’or en 1975, le long-métrage ressort en salle après restauration. L’auteur de ces lignes a pu voir le film à l’occasion de sa diffusion au Festival du cinéma de La Rochelle, avec la présence de Tewfik Fares, scénariste du film. Celui-ci narre en six chapitres, de 1939 à 1954, c’est-à-dire le début de la guerre d’Algérie, le réveil du peuple algérien face à la colonisation française au travers du portrait d’Ahmed, paysan et prolétaire algérien.
À travers son personnage principal, Chronique des années de braise fait l’inventaire des injustices subies par le peuple colonisé, alimentant la colère et la soif de liberté. Tout d’abord, la relégation des paysans autochtones aux terres impropres à l’agriculture, tandis que les colons ont accès aux meilleures parcelles. L’exploitation du prolétariat dans les chantiers. L’aliénation dans les villes. La différence de traitement entre colons et colonisés dans la gestion des crises sanitaires. Le 8 mai 1945 algériens. La répression des manifestations enfin. Si Ahmed, même au début, n’est jamais complètement soumis, l’esprit de résistance passe d’abord par un personnage secondaire, celui de Miloud, joué par le réalisateur. Considéré comme fou, il est en réalité celui qui apporte la vérité et sert de révélateur des effets de la colonisation. Sa fonction dans le long-métrage est d’incarner l’esprit de l’Histoire qui tente de réveiller le peuple algérien. D’ailleurs, une fois son rôle achevé par le début des combats pour la libération, celui-ci meurt, ayant enfin accompli sa mission.Aussi bien les revers subis par Ahmed que les paroles de Miloud, tous ces éléments servent à montrer les diverses étapes amenant le peuple à comprendre la nécessité de la lutte armée pour vaincre.

La Chronique n’est pas non plus sans faire référence à des scènes du cinéma mondial. Ainsi, la scène de la répression de la manifestation où Si Larbi trouve la mort fait écho à la répression à cheval dans La Grève et à celle du Cuirassé Potemkine, deux films de Sergei Eisenstein. À ceci près que les manifestants arrivent un temps dans Chronique à pouvoir combattre les forces de l’ordre.
Même si le film pousse à la résistance, il ne montre pas la victoire du peuple algérien, ce qui, paradoxalement, donne une teinte amère au film. Après tout, le dernier membre de la famille d’Ahmed, Smail, encore mineur, se retrouve seul après la mort de Miloud, courant sans savoir où aller. Son sort reste un mystère.
Mohamed Lakhdar-Amina a lui-même participé à la révolution algérienne. Son père a été enlevé, torturé, et tué par l’armée coloniale française. Il a rejoint en 1958 le gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) à Tunis. C’est dans cette ville qu’il apprend le cinéma en faisant des stages aux actualités tunisiennes avant de se lancer dans de premiers courts-métrages. À l’indépendance, il crée l’Office des actualités algériennes (OAA). En 1981, il prend la direction de l’Office national pour le commerce et l’industrie cinématographique (ONCIC) qu’il quitte en 1984. Déjà réalisateur de Hassan Tero et de Le Vent des Aurès, il est à ce jour le seul réalisateur algérien à avoir obtenu la palme d’or. La projection de son film au Festival de Cannes ne s’est d’ailleurs pas déroulée sans problème, le réalisateur ayant été menacé de mort par des anciens de l’OAS nostalgiques de l’Algérie française. Le ministre de l’Intérieur de l’époque avait même dû mettre à sa disposition une brigade de sécurité pour sa protection.
Si Chronique des années de braise est tout à fait classique dans le déroulement de son histoire, sa nouvelle diffusion résonne avec l’actualité, c’est-à-dire celle du peuple palestinien se battant courageusement pour sa libération ou, dans une moindre mesure, à nos camarades de Kanaky. Un grand moment d’histoire pour un film épique, nous ne pouvons que vous conseiller d’aller le redécouvrir en salle.
Ambroise-JRCF
(1) https://theconversation.com/mohamed-lakhdar-hamina-a-fait-connaitre-le-cinema-africain-grace-a-ses-films-politiques-audacieux-sur-lalgerie-257937
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