Roméo Bigué, responsable pour les questions internationales à la JRCF, a rencontré la Youth Communist League of Britain en Écosse et les a rejoints lors de leur marche du 1er mai. Il s’est entretenu avec eux pour présenter l’histoire et la ligne politique de la JRCF. L’entretien original est disponible ici.

Pourriez-vous commencer par vous présenter, ainsi que votre organisation ?
Je m’appelle Roméo Bigué. Je suis membre du Comité central du Pôle du Renaissance Communiste en France (PRCF) et secrétaire international de l’aile jeunesse du Pôle, les Jeunes pour la Renaissance Communiste en France (JRCF).
Comment votre organisation a-t-elle été fondée ?
Notre parti a été fondé en 2004 pour préserver l’unité et l’organisation de la majorité des éléments marxistes et communistes du PCF, autour de principes tels que le centralisme démocratique, et pour maintenir une forme d’organisation d’avant-garde. Tout est dans notre nom. Nous sommes appelés le « Pôle » du Renaissance Communiste en France, et non le « Parti » de la Renaissance Communiste en France, car nous pensons qu’il n’existe pas actuellement en France de parti communiste de classe et qu’un parti communiste ne se proclame pas comme tel. C’est à la classe ouvrière de décider si nous méritons de devenir le Parti communiste ou non.
Quelle est la position de votre organisation sur la Palestine ?
Nous pensons que le conflit palestinien est en réalité l’un des symptômes de l’émergence de ce que nous appelons la « crise mondiale ». Nous pensons que tous ces conflits, que ce soit les tensions entre Cuba et les États-Unis, le conflit en Ukraine, avec les Yéménites, avec l’Iran, ou même autour de Taïwan et de la Corée, ne forment qu’une seule et même fracture, alimentée par l’Occident, et que la Palestine n’en constitue pas un conflit spécifique. Il faut l’appréhender comme une offensive générale menée par l’Occident contre tous les peuples du monde et toutes les forces qui, pour une raison ou une autre, ont décidé de défendre leur souveraineté contre la machine de guerre impérialiste. Nous soutenons donc bien sûr le mouvement de libération nationale palestinien et toutes les forces qui le composent. Il est même stipulé dans les principes de la Charte des Nations Unies que tous les peuples confrontés au joug du colonialisme ont un droit intrinsèque à la lutte armée contre les occupants et les forces coloniales.
Quelle est la position de votre organisation sur la guerre en Ukraine ?
Nous pensons que l’escalade générale vers la guerre incombe au bloc OTAN-UE et à leur alliance militaire offensive contre la Fédération de Russie. Nous considérons l’opération militaire spéciale russe comme un moyen pour la Fédération de Russie de préserver son unité face à une force extérieure malveillante qui cherche officiellement à diviser la Russie, à la démanteler de l’intérieur et à détruire tout ce qui reste pour promouvoir et accélérer l’expansion générale de l’OTAN vers l’Europe de l’Est, voire l’Asie.
Nous pensons donc qu’une organisation ouvrière ne devrait absolument pas être favorable à l’envoi d’armes en Ukraine et devrait comprendre que cette prétendue « défense » est en réalité un mouvement visant à réarmer l’Europe pour en faire une immense armée européenne, et non une réponse défensive à la Russie. Ils utilisent le conflit ukrainien comme un moyen de promouvoir le démantèlement définitif de toutes les structures sociales existantes afin de prévenir et de résoudre le déclin structurel du bloc impérialiste occidental en menant des guerres de conquête et en tentant de reconquérir toutes les anciennes colonies qu’ils perdent actuellement.
Votre organisation soutient-elle la tendance à la multipolarité dans le monde actuel ?
Oui, car nous pensons que le développement global des États-Unis constitue désormais la principale contradiction, face à ce bloc occidental UE-OTAN positionné contre toutes les forces qui lui sont opposées. Nous entendons par là que la principale contradiction les oppose à toutes les forces, qu’elles soient bourgeoises, populaires ou prolétariennes des pays socialistes, et que l’émergence de ce projet de multipolarité mondiale est la prochaine étape nécessaire vers le démantèlement de l’ordre impérialiste généralisé dirigé par l’Occident.
Bien sûr, nous comprenons que la multipolarité n’est pas le socialisme, qu’elle n’est pas une solution en soi, mais qu’elle est l’étape naturelle vers le démantèlement du monde impérialiste occidental. Nous pensons également que beaucoup d’autres groupes de gauche négligent la dimension industrielle et économique de la multipolarité, qui implique que chaque bloc géographique et régional aura bientôt besoin de sa propre base industrielle cohérente, car toutes ces filières de production mondialisées ne seront plus possibles en raison des tensions régionales qui émergent dans le cadre de la division générale du monde et des tensions qui réapparaissent à l’échelle internationale. Cela signifie que toutes les forces de classe, en particulier les communistes des mouvements syndicaux de classe, disposeront d’une plus grande marge de manœuvre, car tous les États devront subventionner la grande industrie lourde pour maintenir la situation économique générale de leur pays, ce qui nous permettra de nous renforcer et de reconstruire un front de classe anticapitaliste et un ordre mondial communiste international. C’est une voie vers la création du socialisme lui-même, car c’est l’aggravation de cette contradiction qui rend plus viable une issue socialiste au capitalisme.
Vous avez mentionné plus tôt que vous souteniez l’utilisation du drapeau national français lors des manifestations. Pourquoi pensez-vous que c’est important ?
Comme décidé lors du 7e Congrès de l’Internationale communiste, nous pensons qu’il est indispensable pour tout mouvement communiste de chercher à comprendre le développement national général de chaque nation, et que les communistes ne doivent pas craindre l’emblème national et doivent se permettre d’incarner les perspectives nationales de leur pays. Le socialisme n’est pas seulement un idéal international et un mode d’organisation, c’est la meilleure réponse à toutes les luttes nationales des peuples. Même en France, nous pensons que seuls les communistes peuvent être les meilleurs défenseurs de la souveraineté populaire du peuple français contre tous les soi-disant dirigeants français qui tentent activement de dissoudre la nation française. Notamment, par exemple, la promotion généralisée par Macron du processus de fédéralisation de l’UE. Macron tente d’utiliser l’Union européenne, qui n’est pas une structure internationale, mais une structure « supranationale », pour imposer des lois et des réformes antipopulaires à notre pays. Nous pensons donc que la seule réponse à cela devrait être la lutte nationale contre la dissolution de notre nation par des éléments français qui ne défendent que leurs intérêts particuliers et les intérêts généraux de la classe dirigeante américaine.
La réponse logique à tout cela est que nous ne devons pas laisser la bourgeoisie susciter ces forces soi-disant « patriotiques » que les forces fascistes tentent d’incarner. Nous devons plutôt empêcher les véritables forces fascistes d’incarner la lutte nationale, car elles ne sont favorables à aucune souveraineté populaire dans notre pays. Elles sont en réalité les principaux promoteurs du projet de fédéralisation générale et supranationale de l’UE. Elles se moquent des conditions sociales des travailleurs, mais la gauche a désormais peur de l’histoire générale de la France et ignore totalement comment articuler toutes ces contradictions nationales. Dans l’histoire de France en particulier, elle est incapable d’identifier où se situaient les contradictions progressistes. Ils se perçoivent comme une sorte de « nouvelle » force politique et, comme ils ne sont pas capables de s’enraciner dans l’histoire nationale du pays, ils permettent aux forces fascistes d’être les seules à s’emparer de ces emblèmes nationaux et à tromper le peuple français en lui faisant croire qu’ils défendent en réalité le peuple français ou l’histoire française de notre nation qu’ils veulent revendiquer.
Quelle est la stratégie de votre organisation pour parvenir au socialisme en France ?
Nous pensons que le seul salut pour la nation française réside dans les « Quatre Sorties ». La première étape consiste donc à sortir de l’OTAN, de l’UE et de l’euro, car ce sont les outils les plus puissants qui aideront la nation française à prendre en main son histoire et son destin. Ensuite, nous devons sortir du capitalisme. Nous pensons également que nous devons commencer à construire et à réfléchir activement aux moyens de construire le socialisme, en promouvant et en réindustrialisant notre pays, et en empêchant les capitaux étrangers d’entrer et de sortir de notre pays sans aucun contrôle sur les échanges commerciaux. Nous pensons que notre seul salut réside dans le démantèlement complet de l’ordre capitaliste généralisé de la nation française, devenu une relation parasitaire entre la classe dirigeante, les forces populaires et la classe ouvrière.
Dans quel type de campagnes et d’activités participez-vous actuellement ?
Nous pensons que l’enjeu principal aujourd’hui est de contribuer, par tous les moyens, à démanteler et à empêcher la marche générale vers la guerre et la montée du fascisme sur le continent. C’est pourquoi le JRCF a lancé le mois dernier sa plus grande campagne depuis la création de son aile jeunesse, intitulée « Les jeunes veulent vivre, non aux guerres UE-OTAN ». Nous organisons activement des événements et des manifestations, et malgré notre petite taille, nous nous efforçons activement de polariser les esprits sur ces questions majeures, car nous pensons que ce combat doit être le moteur de tous les autres et que nous ne devons pas laisser, par exemple, certains partisans de la Palestine prétendre que l’alliance OTAN-impérialiste pourrait devenir des soutiens du mouvement palestinien. Nous pensons que cette grève contre la montée générale du fascisme sur le continent et la marche vers la guerre est la meilleure réponse possible pour promouvoir la paix en Ukraine et en Palestine.
Cela mettrait également un terme aux attaques contre le développement social de notre nation. La plus grande menace pour la destruction définitive de tous les services publics que nous avons réussi à préserver en France est cette capitulation générale face à une troisième guerre mondiale. Nous voulons affirmer clairement qu’une troisième guerre mondiale est évitable et que la nation française n’a absolument aucun intérêt à défendre l’offensive impérialiste générale menée par l’Occident qui est sur le point de la détruire, afin que seule la classe parasitaire qui nous exploite puisse en bénéficier.
Nous avons également un journal bimestriel, « Jeunesse du Monde », et nous organisons activement la Semaine de la Jeunesse du Monde. Ce sera un rassemblement annuel en présentiel autour de notre camp d’été. Nous espérons qu’il deviendra une sorte de festival international pour les Ligues de la Jeunesse Communiste d’Europe. Nous souhaitons les inviter et organiser un grand événement de discussion avec la population locale en France, afin que ce soit aussi l’occasion pour les Français de découvrir les perspectives internationales des jeunes communistes du monde entier.
Avez-vous un dernier mot pour les membres de la Ligue des jeunes communistes de Grande-Bretagne qui vont lire cette interview ?
Visiter la YCL a été une expérience véritablement inspirante. J’y ai vu un excellent exemple de ce qu’un mouvement de jeunesse communiste discipliné et respectueux des principes peut accomplir. Votre force organisationnelle, votre clarté idéologique et votre engagement indéfectible en faveur du centralisme démocratique sont des leçons que nous garderons en mémoire.
À une époque où de nombreuses organisations de jeunesse communiste en Europe luttent contre la division ou la dérive, la solide unité de la YCL avec le PCB et ses fondements marxistes-léninistes constitue un exemple essentiel. Même si nous sommes plus petits au sein de la JRCF, nous sommes fiers de vous accompagner dans ce combat et espérons tirer profit de votre expérience pour poursuivre notre action.
Nous souhaitons à la YCL de plus grands succès à l’avenir et nous réjouissons de renforcer notre solidarité. Ensemble, dans l’esprit de l’internationalisme prolétarien, nous poursuivrons la lutte pour le socialisme. Merci, camarades !
Propos recueilli par Eben Williams, responsable de l’éducation à la YCL
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