D’après les journaux, une partie de la jeunesse française serait attirée par le Rassemblement National[1]. C’est ce qu’on dit aussi d’un certain Eric Zemmour. Même si nous devons regarder ces informations d’un œil circonspect, vu le nombre de jeunes qui s’abstiennent par dégoût de la politique et à cause de la capacité à faire dire ce qu’on veut aux sondages, faisons comme-ci ces informations étaient vraies et voyons si la première chose que l’extrême-droite avance est juste, c’est-à-dire que celle-ci est la grande défenseuse de la France.
Les mouvements d’extrême-droite nous disent à grand renfort de propagande médiatique qu’ils sont les protecteurs de la France, de sa grandeur, face à un ennemi barbare qui prend tantôt la forme d’un juif tantôt celle d’un musulman, et qu’eux sont toujours là pour défendre la terre meurtrie. Ah bon ? Pourtant dans ces mouvements nombreux sont ceux qui se revendiquent de la monarchie ou du bienfait du système féodal, ceux dont les représentants quittèrent la France révolutionnaire de 1789 pour partir en croisade contre son peuple frondeur avec l’aide des puissances étrangères, même au risque de voir le territoire occupé. Les mêmes qui fusillèrent avec l’aide de la Prusse la Commune de Paris dont la population voulait combattre ce même envahisseur. Un certain nombre de ces groupes trouvent leurs origines organisationnelles et théoriques dans des mouvements fascistes français des années 30, époque où ils étaient financés par l’Allemagne, l’Italie et le grand patronat français. Des groupes qui dans 99% des cas vont collaborer avec le régime de Vichy, c.à.d. le gouvernement défaitiste honteux mis en place par l’envahisseur nazi. Les mêmes groupes qui prennent des positions pro-OTAN et aussi pro-UE dans la majorité des cas (comme le père Le Pen). En termes de défenseur de la Patrie, on a vu mieux !
Chez les marxistes, la Nation a été pensée par plusieurs auteurs. Nous avons par exemple Joseph Staline qui la définissait comme le résultat matériel d’un processus socio-historique incluant: une langue partagée, un intérêt économique commun et une culture commune. Le philosophe français Georges Politzer dénonçait le racisme qui fragilisait l’unité nationale par des mesures antisociales. Il disait :
« La sincérité même du sentiment national doit avoir pour conséquence l’union avec le peuple. En se séparant du peuple, en se dressant contre lui, c’est de la nation qu’on se sépare et c’est contre elle qu’on se dresse, et il ne saurait y avoir de redressement national sans la classe ouvrière et contre elle, mais seulement avec elle. Précisément parce que la nation est peuple, une politique vraiment nationale ne saurait avoir pour condition des mesures antisociales. C’est contre la nation elle-même qu’une politique antisociale est dirigée et c’est elle qu’une telle politique affaiblit. La contradiction n’est pas entre la justice sociale et la défense nationale, mais entre la défense nationale et la réaction sociale. »[2]
Voilà donc pour ce que disait certains grands auteurs ! Nous voyons la différence entre la vision de Politzer et celle de l’extrême-droite qui est prompte à fragiliser le pays en pointant du doigt une partie de nos concitoyens.
Les mouvements d’extrême-droite parlent d’un grand remplacement fantasmé des musulmans supposément dirigé contre les blancs, mais sont aveugles à l’imposition du modèle nord-américain en France et son corolaire le globish, comme ils ne voient pas la marginalisation du peuple Kanak par la France en Nouvelle-Calédonie grâce à l’immigration. Ils parlent des immigrés mais aussi des assistés « français » comme responsables de la casse du pays mais ne voient pas les grandes fortunes françaises se proclamant européennes et qui veulent à terme un démantèlement du territoire national au profit de l’UE, car le socle national et la République sont devenus des éléments contraignants pour leurs profits.
Enfin, qu’est-ce qui fait la grandeur de la France ? Est-ce que ce serait la magnificence de la monarchie absolue ? Est-ce les conquêtes napoléoniennes ? Est-ce les « aspects positifs » de la colonisation ? Ce qui fait le charme de l’histoire française pour les peuples étrangers, même chez ceux luttant pour se libérer du joug de l’impérialisme français, ce sont les Lumières, ce gigantesque monument de la bourgeoisie détruisant les vieilles croyances et soumettant toutes les institutions à un examen critique de fond en comble, mettant la raison comme critère fondamental d’un esprit libre. C’est la révolution française qui, même dans ses limites bourgeoises, proclama la devise « liberté-égalité-fraternité », détruisit la monarchie absolue, mit en place des droits démocratiques, abolit une première fois l’esclavage et décida d’aller jusqu’au bout des idées des Lumières. Comme le chantait Ferrat, la France répond toujours au nom de Robespierre ! C’est la Commune de Paris, première révolution prolétarienne et démocratie directe des travailleurs, qui inspira par la suite la Révolution russe et tant de peuples en lutte. Notre grandeur c’est aussi le Conseil National de la Résistance (CNR) et son programme émancipateur d’après-guerre qui créa notre modèle social.
Est-ce que ce sont des éléments que défends l’extrême-droite ? Absolument pas. Elle pense que la grandeur de la France ce n’est pas une relation rénovée d’un pays non-impérialiste avec le reste du monde, y compris les territoires sous sa coupe, mais plutôt le passé colonisateur, le pillage des ressources, les guerres impérialistes sous des prétextes fallacieux y compris la prochaine guerre mondiale avec la Chine et la Russie. Leur idée de grandeur c’est forcer les enfants d’immigrés à changer de nom, c’est revenir sur les droits démocratiques gagnés de hautes luttes, de barrer la route aux Lumières afin de masquer l’irrationalité des théories qu’ils invoquent, c’est un pays où le patronat à tout pouvoir pour exploiter les travailleurs peu importe leur couleur de peau. Leur défense de la nation, c’est la honte et le déshonneur dans les faits !
L’auteur de ces lignes, en tant que militant JRCF et du PRCF, souhaite l’arrêt des campagnes de stigmatisation envers nos compatriotes musulmans. Si l’on veut sincèrement défendre le pays, il faut renouer avec le monde du travail et le mettre au centre de la vie nationale. Ce qui impose d’en finir avec la répression des travailleurs, lancer la réindustrialisation de notre pays et de reprendre un syndicalisme de classe et de masse. Et parce qu’un pays qui en exploitant un autre ne saurait être libre, il faut à tout jamais mettre fin à l’impérialisme de nos élites en Afrique et ailleurs.
Ambroise-JRCF
[1] « Comment le Rassemblement national est devenu le premier parti de la génération des 25-34 ans », Le Monde, 05/04/2021.
[2] Extrait de son texte « Race, Nation, Peuple ».
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