Etudes et milieux populaires

par | Août 12, 2019 | Luttes | 0 commentaires

Est-il encore possible d’étudier et d’être d’un milieu populaire en France ? C’est la question que l’on peut aujourd’hui légitimement se poser.

Selon un rapport de l’Observatoire des inégalités de mai 2019, il n’y a que 12% d’enfants d’ouvriers dans l’enseignement supérieur, alors que cette catégorie représente 25% de la population active en France. Les enfants de cadres supérieurs sont au contraire surreprésentés dans les études supérieures, surtout sélectives comme les écoles de commerce*, les écoles d’ingénieurs, les grandes écoles ou les prépas, alors que cette catégorie représente seulement 18% de la population active. Les enfants d’ouvriers sont plus souvent cantonnés au BTS, études où ils représentent 24,1 % des étudiants, une filière qui leur permet plus sûrement une forme de promotion sociale.

Très concrètement, à l’université, il y a 13% d’enfants d’ouvriers en licence, 9% en Master, puis 7% en doctorat. C’est encore pire pour les enfants d’agriculteurs ! Ils sont respectivement 1,7% en licence, 1,8 % en master et 1,6 % en doctorat. 

On peut se demander pourquoi de tels résultats ?

La réponse est sans doute à aller chercher du côté du travail…

En effet, si un étudiant est désargenté, qu’il cherche à obtenir une certaine indépendance par rapport à son environnement familial, et que la centralisation des grandes universités à Paris l’oblige à quitter sa région, ou les trois à la fois, il est bien obligé de passer par le travail pour subvenir à ses besoins et payer ses études. Il est bien connu que le cumul emploi/étude est souvent un facteur d’échec scolaire. En 2018, un étudiant sur deux travaillait et 20% d’entre eux travaillaient un nombre suffisant d’heures pour impacter leurs études. 

En France, il existe un statut d’étudiant salarié permettant d’aménager ses études en fonction de son emploi. Que en sont les conditions ?

  • Tout d’abord, l’étudiant doit travailler au moins 10 à 15h par semaine (60 heures de travail par mois ou 120 heures par trimestre). 
  • L’activité doit s’étendre sur toute l’année universitaire, du 1er octobre jusqu’au 30 septembre de l’année prochaine. Ce qui signifie qu’un étudiant trouvant un travail en CDD de 6 mois ou même un CDI au cours de son année ne pourra pas bénéficier de ce statut. 
  • Afin d’obtenir le statut, aller voir le secrétariat de son université avec les pièces justificatives suivantes : contrat de travail, bulletin de salaires et attestation d’employeur.  

Le statut doit permettre d’adapter les conditions d’études au travail de l’étudiant, mais c’est au cas par cas, en fonction des universités, et il faut espérer que l’université et les professeurs soient « compréhensifs », ce qui n’est visiblement pas toujours le cas.

Comme on peut le voir, les conditions permettant l’obtention du statut d’étudiant salarié sont très restrictives et ne permettent pas à la majorité des étudiants travaillant d’obtenir le statut avantageux. De plus, par nature, tous les micro-travaux, à l’instar des boulots de plateforme comme Uber et Deliveroo (dont actuellement les livreurs sont en grève contre la baisse des tarifs), car ces jobs très prisés des jeunes ne donnent ni lieu à contrat de travail ni attestation d’employeur (et pour cause, ils sont censés être indépendants !). 

Les études ne sont pas pleinement accessibles aux milieux populaires en France. Certes, la situation dans l’hexagone est plus favorable que celle des États-Unis et du Royaume-Uni où les études coûtent cher et nécessitent de contracter un crédit, ce qui crée ce que nous appelons la « dette étudiante ». Toutefois, il faut s’inquiéter de la disparition dans les études des enfants d’un quart de la population active (auquel il faudrait rajouter les enfants d’employés et d’agriculteurs), d’autant plus qu’il est connu qu’en sous-main un projet de création de véritables frais d’inscription (à la manière anglaise) est dans les cartons, notamment depuis une note de la Cour des comptes de novembre 2018. Une politique qui ne fera qu’éloigner encore plus les milieux populaires de l’enseignement supérieur.

Nous militons pour un enseignement supérieur véritablement public et gratuit, accessible à tous. Un élargissement du statut d’étudiant salarié est nécessaire, car quelques heures de travail suffisent pour gêner les études. Nous demandons que chaque étudiant exerçant une activité salariée relève de ce statut. 

Ambroise, militant JRCF

https://www.inegalites.fr/Les-milieux-populaires-largement-sous-representes-dans-l-enseignement-superieur?id_theme=17

*12,5 fois plus d’enfants de cadre supérieur en écoles de commerce que d’enfants d’ouvriers.

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