Suite aux récents événements au Mali, nous avons tenu à faire un retour sur l’histoire politique du pays.
Cela faisait maintenant sept ans que l’armée française était installée au Mali, et sept ans qu’Ibrahim Boubacar Keïta y était au pouvoir. Et cela fait deux fois sept ans de trop pour les Maliens. Cette période de double contestation sociale est l’occasion d’une courte rétrospective sur cet Etat encore bien trop peu connu.
Le Soudan Français accède à l’indépendance le 22 septembre 1960. Il choisit à cet occasion le nom de Mali, qui était celui de la tentative infructueuse de fédération des colonies françaises d’Afrique de l’Ouest mais surtout une référence au grand empire éponyme des environs du XIIIème siècle auquel on doit notamment la Charte du Manden, reconnue par l’UNESCO comme l’une des plus anciennes références en matière de droits humains.
Son premier président, Modibo Keïta, a longtemps milité pour une construction fédérale, qu’il ne parviendra à réaliser qu’avec le Sénégal, et encore, très brièvement à cause de désaccords politiques profonds. En effet, son anti-impérialisme aux accents de panafricanisme est loin de faire l’unanimité parmi les gouvernements des autres Etats nouvellement indépendants. Son ambition est l’indépendance complète du pays. Les premières mesures sont donc économiques : une planification de type socialiste, un fort contrôle d’Etat sur la production et le commerce, la modernisation de tous les axes de transport, un investissement conséquent dans la recherche, notamment pour l’industrie minière. Comme en Guinée deux ans plus tôt, le franc CFA est interdit et remplacé par une devise nationale, le franc malien. Enfin, le Mali exige rapidement le départ des troupes françaises de son territoire, notamment en soutien aux Algériens alors en pleine guerre d’indépendance.
Cependant, ces succès auront été de courte durée. Modibo Keita est renversé en 1968 par un coup d’Etat militaire et mourra neuf ans plus tard, en prison, dans des circonstances qui ne seront probablement jamais élucidées. Le nouveau régime de Moussa Traoré abandonne alors toute idée de collectivisation ou d’égalité ; son long mandat sera consacré à l’ouverture des abondantes ressources minières du Mali à la prédation des entreprises occidentales ainsi qu’à l’introduction de la corruption à tous les étages de l’administration.
Jusqu’en 1991, l’URSS fournissait régulièrement de l’aide au Mali, notamment pour pallier les nombreux problèmes climatiques qui pénalisaient encore un peu plus sa production agricole. Depuis, celui-ci a été forcé de signer des accords économiques qui lui ont imposé de privatiser le peu qui restait encore aux mains de l’Etat : eau, électricité, transports… L’économie n’ayant pu se diversifier dans de telles conditions, elle est encore aujourd’hui très fortement dépendante de la principale richesse de la région : les mines d’or. Anglais, Allemands, Hollandais, Canadiens et autres Américains du Nord se partagent le butin par l’intermédiaire de « partenariats » où l’Etat malien est bien évidemment toujours minoritaire.
La moitié Nord, désertique, a régulièrement été le théâtre de rébellions dans l’Histoire malienne, la plus notable étant celle des Touaregs (1990-1996). Plus récemment, l’agression puis la destruction de la Libye par les forces de l’OTAN a armé et renforcé de nombreux groupes terroristes, dont une partie importante s’est installée dans cette région vaste et très peu peuplée. Pour protéger ses exploitations d’uranium au Niger voisin, le gouvernement français lance début 2013 l’opération Serval, qui deviendra Barkhane lorsqu’elle sera généralisée à plusieurs autres pays frontaliers un an plus tard. La présence de ces milliers de soldats français – accompagnés de quelques centaines d’autres européens comme cela a été imposé en 2018 – est de plus en plus fortement contestée au Mali. En particulier, ses relations troubles avec les terroristes qu’elle est censée combattre au Nord du pays sont jugées problématique par une grande partie de la population. De plus, le fait qu’elle serve de prétexte au démantèlement complet des restes de l’armée malienne laisse sous-entendre qu’elle n’envisage pas même un départ à moyen terme.
Le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), a été élu pour la première fois en 2013, avec une très large majorité. Son premier quinquennat s’est avéré une catastrophe, entre établissement d’un système de corruption systématique et détournement de l’ensemble des biens publics, instrumentalisation des conflits ethniques et répression de masse. Sa popularité ayant chuté sans cesse, il n’aurait pu être réélu en 2018 sans fraude massive ni pressions sur ses opposants. Ces procédés ont été reconduits cette année à l’occasion des législatives pour garder sa majorité. C’est la goutte qui a fait déborder le vase.
Suite à cette nouvelle violation de la souveraineté populaire des Maliens, un grand mouvement populaire s’est formé : le Mouvement du Cinq Juin – Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP). C’est un front qui rassemble la majorité des forces d’opposition maliennes ; on y trouve notamment le parti SADI de notre camarade Oumar Mariko. Ce mouvement, très suivi par la population comme on a pu le constater lors des immenses mobilisations du 10 juillet, et cela malgré la répression toujours plus forte exercée par l’oligarchie au pouvoir, revendique en premier lieu les départs d’IBK et de l’armée française. Bien que très hétérogène, ce front large est la seule voix cohérente pour l’avenir des Maliens, et ceux-ci l’ont bien compris. Malheureusement – mais peut-on encore s’en étonner ? – la « communauté internationale » chère à nos gouvernants rechigne toujours à abandonner ses collaborateurs favoris.
Qu’il est loin aujourd’hui, le rêve de Modibo Keïta d’un Mali libre et indépendant, seul maître de son territoire et seul gestionnaire des ressources de son sol ! Mais le peuple malien ne l’a pas oublié, et quand il se lève comme un seul Homme pour réclamer sa souveraineté, nous lui devons notre soutien !
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