La CGT et la paix : Coup-ci, coup-ça

par | Mai 29, 2024 | Luttes | 0 commentaires

Publié par le Collectif Luttes, cet article est écrit par des militants et sympathisants cégétistes, fidèles au syndicalisme de classe et critiques des dérives de la direction confédérale.

La question de la paix, pour nous, jeunes communistes, n’est pas une question secondaire. C’est une question de vie ou de mort, comme l’est la question de la misère, de la fin du mois. Il est tout naturel qu’il en soit de même pour tout jeune syndicaliste sérieux, qui défend avec honneur sa famille et ses camarades.

Le mouvement syndical et le mouvement ouvrier en général ont toujours été par principe dans le camp de la paix. Les guerres décidées d’en haut ne sont généralement que des entraves au progrès social et à l’organisation des travailleurs. Mais l’Histoire est longue et pleine d’éléments perturbateurs. Loin de se « répéter » cycliquement, comme le prétendent les simplificateurs, elle avance au gré de ses contradictions et de multiples problèmes différents imposent à chaque période des réponses différentes. Et cette position de principe a, bien que souvent honorée, parfois fait défaut. Y compris au sein de l’organisation confédérale la plus prestigieuse en France, la Confédération Générale du Travail.

La CGT, c’est d’abord un regroupement de diverses tendances, communistes, anarchistes, réformistes, syndicalistes révolutionnaires, et bien d’autres, qui ont coexisté dès les origines, et ont pesé diversement dans les décisions confédérales. Dès, 1908, au congrès de Marseille, l’accent puissamment antimilitariste est affirmé, et ce unanimement au sein des tendances. Mais un événement va tout changer.

La Première Guerre Mondiale, la vague chauvine qui a emporté les nations et rendu inaudible tout discours de paix, a vite fait de balayer les résistances initiales des communistes. La direction, acquise aux réformistes, via notamment le secrétaire général Léon Jouhaux, se rallie à l’union sacrée, non sans pousser quelques atermoiements. Léon lui-même a prétendu à l’enterrement de Jean Jaurès vouloir se rendre au front, mais sa candidature a été refusée, trop utile qu’il était pour canaliser le mouvement syndical vers la non-dangerosité (du point de vue des intérêts de la bourgeoisie).

C’est cet épisode qui marque le début de la fracture entre réformistes et communistes au sein de la CGT, qui aboutira quelques années plus tard à la scission fatidique, créant le fossé entre la CGT unitaire rouge et la CGT confédérée déjà très jaune.

Dans les années 30, alors que la CGTU appelle à l’alignement sur le PCF et l’Union Soviétique qui militent en faveur d’une coalition militaire antifasciste, la CGT s’aligne en 1936 sur la politique française de « non-intervention » dans la guerre d’Espagne, non sans pousser quelques gémissements encore une fois. Politique de non-intervention qui était en fait une politique de boycott du camp républicain, allié naturel, alors que les fascistes armaient au plaisir les troupes franquistes dont la victoire décisive a fourni au Reich un allié dont les ressources minières étaient précieuses pour la modernisation de leur aviation. Voici un des exemples d’une politique de paix « de principe », non réfléchie, et qui bénéficie objectivement aux efforts de guerre de l’impérialisme maison, celui d’un gouvernement français décidé à laisser son patronat faire des affaires avec le Reich et à « apaiser » Hitler pour l’envoyer guerroyer chez les Soviets.

Après la réunification des courants unitaire et confédéré, l’équilibre vacille de nouveau suite à la signature des « accords Majestic », qui entérinent la collaboration de la direction confédérale CGT avec la Confédération Générale du Patronat Français pour assurer l’effort de guerre français contre l’invasion nazie. Dans le courant de la défaite, une nouvelle scission se crée de force par l’exclusion progressive de tous les communistes qui n’ont pas fermement condamné le pacte de dernier recours de Molotov-Ribbentrop, mais également du fait de la répression pétainiste qui s’abat d’abord sur les ex CGTU et PCF, avant de se généraliser à toute la CGT, après que de multiples cadres CGT aient rejoint le gouvernement de Pétain, en premier le renégat René Belin, farouche anticommuniste, qui a accepté le rôle de Ministre du Travail du gouvernement de Vichy de 1940 à 1942, où il aura préparé par ses mesures le Service du Travail Obligatoire avant sa mise en place, et est l’un des signataires de la loi du 3 octobre 1940 « portant sur le statut des juifs », première loi française entérinant une définition raciale antisémite dans un texte de loi. Non épuré, cela va de soi.

Prenant part clandestinement à la Résistance, impulsée par le PCF d’alors, la CGT reprend des couleurs, participe au Conseil National de la Résistance, et démarre une relation de long terme avec le PCF. Quelques décennies de pacifisme sérieux s’engagent alors. Lors de la guerre d’Indochine, la CGT se fait d’abord hésitante, puis après analyse rigoureuse, s’engage pleinement dans le soutien à l’indépendance du peuple vietnamien. L’immense vague de grèves, démarrée de façon intermittente dès 1948 et ayant réellement flambé en 1949, est un des moments de lutte syndicale les plus importants de la Guerre Froide. Dans toute la France (et en Algérie, encore sous domination coloniale française), les dockers bloquent les livraisons d’armes d’Oran jusqu’à Dunkerque, forçant les soldats à charger les bateaux eux-mêmes. Maurice Thorez ira jusqu’à comparer les méthodes de la France en Indochine à celles de l’Allemagne nazie (avec justesse bien sûr). Les affrontements se multiplient, les manifestants s’opposent aux CRS, des caisses sont jetées à la mer, des journaux réfractaires sont appelés à comparaître au tribunal, des trains sont bloqués. S’en est suivie une répression féroce avec épuration des syndicalistes les plus radicaux.

Il est à noter également que, durant la révolution algérienne, alors que la CFTC versait dans le sans-frontiérisme candide et que FO sombrait dans un anticommunisme paranoïaque et caricatural, la CGT avait adopté, au même titre que le PCF d’alors, une position certes un peu timorée, parfois chaotique, mais parfaitement anticoloniale et à contre-courant de l’idéologie bourgeoise qui vomissait une propagande raciste et incitant aux pogromes. D’abord en paroles, puis dès 1955, en faits, provoquant d’importantes mobilisations dans toute la France.

Et puis, avec le tournant de la contre-révolution néo-libérale dans les années 80, le PCF a décliné, et la CGT avec. Jusqu’à retirer de ses statuts la nationalisation des grands moyens de production, ultime attache au marxisme et au projet communiste. Et l’on en arrive en 2022, où, sous le vernis d’un pacifisme de position en refusant les envois d’armes en Ukraine (décence que n’a pas eu le P”C”F, avec le jeune Léon Deffontaines qui affirme être fier que son parti ait voté ces crédits de guerre), la direction confédérale de la CGT se complaît en réalité dans la nouvelle Union Sacrée de l’OTAN contre la Russie, sans jamais remettre en question le discours dominant, sans jamais pointer du doigt la responsabilité de l’OTAN dans la provocation de ce conflit, sans jamais mettre en lumière les bombardements des minorités russophones par le régime de Kiev de 2014, ni jamais parler de l’omniprésence des partis et groupuscules ouvertement fascistes et néo-nazis dans l’appareil d’Etat ukrainien. Il s’en est fallu de peu que l’erreur ne se reproduise pour le génocide à Gaza. Alors que Sophie Binet s’empressait de condamner docilement les attentats du 7 octobre et de renvoyer dos à dos l’agresseur et l’agressé, et ce dès le 8 octobre, elle était désavouée par les militants et provoquait leur fureur, déclenchant un repositionnement du bureau confédéral. C’était moins une, mais pour la crédibilité de Mme Binet, c’est malheureusement beaucoup trop tard.

La conclusion de cet article est simple. Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire. Chaque fois que la CGT est sortie du corpus théorique scientifique du marxisme, elle a sombré dans un positionnement qui alternait entre le correct et la compromission. Nous n’avons pas le temps pour de l’aléatoire. Le monde est gravement menacé, la guerre approche, le climat se réchauffe, la fin du mois menace. Il faut agir ensemble, dans le même sens, unis, connaître notre intérêt, connaître le marxisme, et lutter pour demain, pour ne pas être envoyés comme de la chair à canon pour se battre contre des Russes en Ukraine ou des Chinois à Taïwan.

Le communisme est la jeunesse du monde, alors faisons mourir ce vieux monde, construisons le nouveau, pour devenir nous aussi vieux à notre tour, ne pas mourir sans avoir jamais eu un salaire décent, sans jamais avoir eu son logement, sans avoir remboursé son prêt étudiant. Nous méritons mieux que cela !

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