4 octobre : la jeunesse de Nouvelle-Calédonie et le référendum

par | Oct 2, 2020 | International | 0 commentaires

Ce dimanche 4 octobre, la Nouvelle-Calédonie, collectivité territoriale rattachée à la France mais avec ses propres institutions, va une nouvelle fois se décider sur son indépendance par un référendum, après celui de 2018, ayant donné la majorité aux anti-indépendantistes avec 56,4% des voies.

Ce sont les accords de Matignon-Oudinot de juin et août 1988 qui prévoient le référendum sur l’indépendance. Ces accords font suite aux « évènements » (un joli mot pour parler de guerre civile) durant lesquels la rébellion indépendantiste du FLNKS a pris des proportions importantes, menant à l’assassinat lâche du syndicaliste Eloi Machoro et à l’attaque d’une gendarmerie suivi d’une prise d’otage finissant en bain de sang à Ouvéa pour les rebelles kanaks. Les accords prévoient une période de 10 ans de développement économique, social et culturel avant la tenue d’un référendum sur l’auto-détermination en 1998. Cette année-là, le 5 mai 1998, l’accord de Nouméa est signé par les indépendantistes et les loyalistes, ce qui permet la création d’institutions propres à l’archipel mais surtout prévoit un nouveau référendum en 2018, ainsi que trois votes en cas de victoire du Non à l’indépendance.

La question importante est de savoir qui vote à ce référendum. L’accord de Nouméa fixe « les bases d’une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, permettant au peuple d’origine de constituer avec les hommes et les femmes qui y vivent une communauté affirmant son destin commun ». Pour pouvoir voter au référendum[1] il faut remplir l’une des 8 conditions suivantes : avoir été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 ; remplir la conditions de 10 ans de domicile en Nouvelle-Calédonie pour avoir été électeur en 1998 ; avoir eu le statut civil coutumier ou, nés en Nouvelle-Calédonie, y avoir eu le centre de ses intérêts matériels et moraux ; avoir l’un de ses parents en Nouvelle-Calédonie et y avoir le centre de ses intérêts matériels et moraux ; pouvoir justifier d’une durée de 20 ans de domicile continu dans l’archipel au plus tard le 31 décembre 2014 ; être nés avant le 1er janvier 1989 et avoir eu son domicile dans la Kanaky de 1988 à 1998 ; être nés à compter du 1er janvier 1989 et avoir atteint l’âge de la majorité à la date de la consultation et avoir eu un de ses parents qui satisfaisait aux conditions pour participer à la consultation du 8 novembre 1998. Cela permet d’exclure certaines parties de la population qui pourrait avoir intérêt à la non-indépendance, comme le « zoreilles », c’est-à-dire les expatriés européens récents en Nouvelle-Calédonie. Dans les partisans du Oui à l’indépendance, nous retrouvons bien évidemment le FLNKS, dont ses composantes l’Union Calédonienne et le Palika, bien décidé à gagner. Dans le camp du Non on retrouve des partis « républicains » comme le Rassemblement ou Calédonie Ensemble. Ces derniers partis, encrés plus à droite sur l’échiquier politique, n’ont cessé de faire naitre la peur sur une possible indépendance du pays, promettant le chaos et la pauvreté en cas de victoire du Oui. Allègrement, ils présentent l’exemple du Vanuatu dont l’économie se serait effondrée suite à son indépendance. D’ailleurs, l’accord de Nouméa prévoit que la France soit neutre dans la campagne électorale, or les indépendantistes dénoncent des largesses faites aux loyalistes dans le cadre du référendum. Le nickel est aussi important car il est une des principales ressources du pays, le risque pour la France est de perdre cette mainmise, ainsi que pour certaines familles de Caldoches quasi-monopolistique sur l’île[2]. Le problème aussi c’est qu’en 32 ans depuis les premiers accords, le gouvernement français a tout fait pour stabiliser une situation plus favorable aux européens, notamment grâce au mouvement des migrations rendant les kanaks minoritaire dans leur propre pays[3], représentant 39% de la population face à 27% d’européens. On estime à 80% des richesses locales aux mains des colons et des milieux d’affaires métropolitains.

La jeunesse kanake est appelée par les indépendantistes (ou même par les loyalistes) à participer au vote de demain. Rappelons qu’en Nouvelle-Calédonie, 32% de la population a moins de 20 ans. La jeunesse kanake se sent exploitée car elle a l’impression qu’on ne s’intéresse à ses besoins qu’au moment des élections, à l’instar de ce que peut ressentir notre jeunesse en métropole. En effet, malgré des avancées dans l’organisation politique de l’île, dans le développement culturel des populations peuplant la Kanaky et dans l’accès à l’éducation des kanaks, de fortes inégalités minant cette jeunesse persiste, sans que celles-ci soient pour l’instant en voie d’être résolues. Les caldoches (calédonien d’origine européenne) restent plus favorisés que les kanaks et autres populations dans l’accès à l’éducation (les kanaks sont souvent cantonnés aux enseignements manuels et la seule université du pays se trouve à Nouméa), au travail (discrimination à l’embauche), au logement, aux produits de premières nécessités[4], aux boites de nuits[5], à la fréquence des procès dont les accusés sont kanaks face à des juges européens[6], etc… Face à cette situation, elle peut croire que la classe politique ne bouge pas pour ses besoins.  

Nous, Jeunes pour la Renaissance Communiste en France, soutenons le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, à commencer par le peuple kanak ayant mené plusieurs luttes pour la libération du territoire et dont la défense des intérêts et de son histoire doit enfin être entendu. Nous soutenons aussi la jeunesse de Nouvelle-Calédonie qui souhaite un avenir meilleur avec une bonne éducation accessible à tous, du travail et des logements disponibles. A nos comparses de l’archipel, nous disons que nous sommes avec eux et qu’en Kanaky, comme en France, le socialisme est la seule voie possible pour mettre fin aux inégalités et à l’exploitation capitaliste.

Ambroise-JRCF.


[1] Article218 de la loi organique du 19 mars 1999.

[2] Entre autres les Lafleur (comme l’ancien politique Jacques Lafleur, adversairepolitique du dirigeant indépendantiste Jean-Marie Tjibaou durant les« évènements » des années 80) dans les mines, l’agroalimentaire etles produits ménagers, ou les Ballande et Pentecost dans le secteur marchand.

[3]Soulignons toutefois qu’il y a un fort métissage en Nouvelle-Calédonie et qu’ilne s’agit pas de faire l’apologie d’une guerre ethnique n’ayant pas lieu.

[4] En 2018,ils étaient 34% plus chers en Kanaky qu’en métropole.

[5] Unedécolonisation au présent de Médiapart et Joseph Confavreux, page 83 à 89.

[6]« Référendum à contretemps en Nouvelle-Calédonie » par Jean-MichelDumay, Le Monde diplomatique n°776, novembre 2018. Ce qui fait que plusde 90% de la population carcérale est kanak.

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