L’année 2024 a vu la sortie d’un nouveau documentaire sur la colonisation israélienne en Cisjordanie, réalisé par un collectif palestinien et israélien, à savoir No other land. Coproduction entre la Palestine et la Norvège, No other land a été sélectionné dans la section Panorama du 74e Festival international du film de Berlin, où il est présenté en première mondiale le 16 février 2024. Le film remporte le prix du public Panorama du meilleur film documentaire et le prix du meilleur documentaire de la Berlinale. Il est réalisé par Basel Adra, Hamdan Ballal, Yuval Abraham et Rachel Szor. Yuval Abraham, journaliste israélien, s’est déjà prononcé publiquement pour le cessez-le-feu à Gaza, ce qui lui a valu des menaces sur sa vie et celle de sa famille.
Le documentaire suit le jeune militant palestinien Basel Adra qui résiste depuis son enfance à la destruction du village de Masafer Yatta (Cisjordanie) par l’armée israélienne. Il sera rejoint par un journaliste israélien du nom de Yuval. Le film se déroule sur 4 ans (2019-2023) et donc se termine sur des images de l’après-7-octobre. Il nous montre les pratiques de la colonisation, les destructions récurrentes, les violences, les injustices, les manifestations et le casse-tête juridique. Certaines parties du film sont documentaires, et d’autres semblent avoir fait l’objet de reconstitutions pour une meilleure lisibilité de l’histoire.
Dans les images tournées, nous pouvons voir l’étendue des injustices subies par les Palestiniens, et que nous pouvons énoncer : mutilations des Palestiniens, destruction des parcs de jeux et des écoles, utilisation des zones militaires pour empêcher l’extension des villages arabes, protection des colons violents par les militaires, accaparement des outils du quotidien et des véhicules, destruction des puits d’eau potable, etc. Injustices qui se retrouvent dans le protagoniste Basel. Celui-ci est tout le temps sur son portable, comme le fait remarquer son ami, le journaliste israélien, car c’est la seule chose qui lui appartient en vrai, le reste étant susceptible soit d’être détruit, soit d’être emporté. Il a fait des études de droit, mais l’économie palestinienne étant en pièces à cause d’Israël, le seul travail que peut trouver un Palestinien, c’est en Israël, et c’est comme main-d’œuvre pas chère dans le bâtiment (ce qui ajoute une dimension d’exploitation de classe à la colonisation). Il n’a pas non plus le droit de sortir de Cisjordanie, territoire dont, pourtant, on ne lui permet pas de s’installer où il veut. Ce qui crée un contraste avec Yuval, qui, lui, a ce pouvoir en tant qu’israélien et semble beaucoup plus libre.
Le point faible du film, c’est malheureusement aussi ses images. Le documentaire le remarque lui-même, les destructions du village ne provoquent pas d’émoi national et international. Pour nous, c’est finalement tristement normal, car, contrairement à ce que peut raconter n’importe quel sioniste moyen avec sa mauvaise foi stratosphérique, ce genre d’image d’exaction commise par les israéliens est monnaie courante. Malgré tout, la colonisation continue. À force de montrer ces images, il y a un effet de lassitude qui se crée. Même si nous pensons qu’il faut toujours montrer les atrocités de l’ennemi comme arme de propagande, force est de constater qu’il est bien faux l’idée qui veut que montrer permet de faire bouger les choses. Montrer l’injustice pour résister, oui, s’en contenter, non.
Ambroise-JRCF
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