Lucia : portrait de trois femmes cubaines

par | Mai 31, 2022 | Contre-culture | 0 commentaires

Sur YouTube, il est encore possible de découvrir des perles du cinéma, peu ou pas du tout diffusées en Occident. On a le cas du russe Mosfilm qui a rendu accessible en plusieurs langues une grande partie des long-métrages de son catalogue, mais il y a aussi quelques petites chaînes qui mettent en avant des classiques. C’est le cas de la chaîne Old Films Revival Project. Grâce à celle-ci j’ai pu découvrir Lucia d’Humberto Solas, un film cubain de 1968, racontant en trois parties l’histoire de trois femmes du nom de Lucia à trois époques différentes. Humberto Solas n’est pas n’importe qui car il fait partie des réalisateurs cubains les plus connus et les plus admirés.

Comme je le disais, le film se concentre sur trois histoires et trois époques différentes de Cuba, mais aussi trois classes différentes. En effet, la première Lucia est une bonne fille de la bourgeoisie blanche cubaine pendant la guerre d’indépendance avec l’Espagne, la seconde Lucia (1932) vient de la classe moyenne, tandis que la troisième est du prolétariat après la révolution cubaine de 1959. Les trois histoires ont à voir avec la position de la femme et notamment leur rôle auprès des hommes.

On pourrait dire que la première et la troisième Lucia représentent la femme trahie. La première Lucia se fait abandonner par son amant en plein champ de bataille, alors que celui-ci n’a cessé de mentir pour arriver à ses fins, tandis que la dernière est victime du machisme de son compagnon, pourtant bon révolutionnaire, qui l’empêche de sortir de chez elle et ne souhaite pas que sa femme travaille. La seconde Lucia n’a pas la même relation toxique avec la gente masculine, étant donné que son conjoint est cette fois-ci un révolutionnaire actif et qu’elle l’accompagne dans tous les combats où le mènent ses idéaux, même dans ses conséquences les plus ultimes.

L’aspect de classe, peu marqué, n’est pas totalement absent. Si on remarque bien, notre Lucia de la haute bourgeoisie, malgré sa position sociale, a un caractère assez fade, ce qui explique pourquoi elle se fait avoir aussi facilement et qu’elle semble totalement ignorante des réalités extérieures (ici les réalités de la guerre, qu’une scène de combat dantesque d’une dizaine de minutes nous montre en long et en large). La seconde, déjà un peu plus libérée malgré la présence imposante de la figure maternelle, se concentre sur le fait de suivre son compagnon. Et elle semble perdue à la mort de celui-ci, sans repères, et rien ne nous dit qu’elle continuerait la lutte de celui-ci. Enfin, la dernière, travaillant dans les plantations, et malgré la domination la plus brutale qu’elle subit, est finalement celle qui s’affirme le plus face à son mari, lui imposant même à la fin ses conditions pour revenir. Pour en venir au but, c’est comme si plus on allait vers le prolétariat ascendant et plus la conscience des Lucia s’affermissait pour avoir un rôle actif.

Le film a beaucoup été applaudi pour sa dernière partie, car il montre les restants de machisme pendant l’ère révolutionnaire, qui est une autre forme de domination qu’il faut combattre, bien plus enracinée dans la culture depuis des siècles. C’est aussi celle qui est la plus dynamique, les deux premières étant tournées de manière plus classique (gros plan et musique mélodramatique pour insister sur la romance ou les moments choquants dans la première partie ; voix-off de la narratrice et gros plan sur le visage de Lucia dans la seconde), alternant chansons montrant la situation du couple, les crises d’hystéries du mari et de Lucia, les bagarres que provoque le premier lorsqu’il croit qu’un autre homme menace son couple, etc.

En guise de conclusion, je vous invite simplement à consulter le lien ci-dessous. Les sous-titres sont en anglais malheureusement, mais souhaitons qu’à l’avenir une version avec des sous-titres français sorte.

Ambroise-JRCF

https://www.youtube.com/watch?v=OUi-FX6CwiI

Vous Souhaitez adhérer?

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ces articles vous intéresseront