Nous partageons au débat cet article du camarade Mattéo D sur la représentation des LGBT dans la culture de masse via les séries américaines. C’est un sujet que nous abordons peu et qui, pour être honnête avec le lecteur, est encore en discussion au PRCF. Toutefois, nous sommes ravis de pouvoir travailler collectivement dessus. Nous nous permettons d’ajouter que le problème plus global n’est pas seulement d’utiliser les LGBT comme moyen de s’attirer un marché en particulier, mais plus globalement, et peu importe l’ethnie ou l’orientation sexuelle, de savoir comment les capitalistes des industries culturelles le font. Et globalement, cela passe par le processus d’identification avec les personnages. Nous ne regardons pas une œuvre pour ses qualités intrinsèques mais parce que nous apprécions les personnages et nous nous y reconnaissons. Attitude de base qui exclut un véritable rapport esthétique et politique avec l’œuvre et permet plutôt des débouchés marchands, par exemple la vente de figurines à partir de séries.
Vous pouvez aller lire cet article qui développe ce point : http://jrcf.over-blog.org/2023/06/revenir-a-une-culture-populaire.html
Ces dernières décennies, et en particulier dans les récentes années, les représentations de personnages et d’éléments de culture queer dans les médias (spécifiquement audiovisuels) ont augmenté de façon conséquente. Séries et films en prise de vue réelle ou animations, pour adultes/ados (Euphoria, Sex Education) ou enfants (Steven Universe, Luz à Osville) apparaissent de plus en plus dans la culture de masse. Ce type de contenu a même eu la chance d’obtenir un bandeau à part sur certaines plateformes de streaming, notamment Disney+. Ce phénomène est observé malgré un ralentissement et même un recul de l’obtention des droits LGBTQ+ en Occident, orchestré par la bourgeoisie réactionnaire, comme actuellement la guerre que mène le parti républicain aux États-Unis contre la communauté transgenre.
Cette dichotomie entre culture de masse et réalité politique peut légitimement ouvrir la réflexion, en particulier en tant que personne concernée, quant au fait de savoir si cette représentation est un soutien clair de la bourgeoisie aux personnes queers, ou simplement une façade pour faire digérer plus facilement la soupe réactionnaire servie ces derniers temps.
Sans surprise, la réponse est plus nuancée que ces deux options : si de prime abord il paraît évident que cette représentativité, bien qu’extrêmement positive à première vue, ne reflète en réalité qu’une stratégie commerciale comme la bourgeoisie a l’habitude d’utiliser, du pinkwashing (sympathie affichée envers la communauté LGBTQ+ afin d’attirer les consommateurs queer), il en va bien entendu autrement. En effet, il est toujours bon de rappeler qu’une personne queer peut être victime d’autres systèmes de domination, de part sa classe sociale ou ses origines. Or, parmi ces représentations, un grand nombre ne montre que l’oppression queerphobe, ce qui permet à la bourgeoisie non seulement de diviser les luttes, mais aussi de rationaliser son repli réactionnaire en énonçant que la cause LGBTQ+ n’a véritablement besoin que de représentation et non de l’obtention de droits réels.
Pinkwashing qui pourrait s’inverser et donner lieu à une propagande anti-queer si la bourgeoisie dominante voit un intérêt commercial à tourner réactionnaire, comme elle n’a pas hésité à le faire il y a un siècle avec le film Naissance d’une nation, film qui a grandement contribué à la popularité du Ku klux Klan, un mouvement suprémaciste blanc étasunien.
Malgré tout, il n’est pas nécessaire de rejeter l’ensemble de ces représentations. Certaines sont de véritables propositions artistiques, amenées par des créateurs et créatrices comprenant les problématiques queers, car ils sont parfois eux-mêmes concernés, et voulant transmettre un message progressiste avec une portée universelle au public, peu importe son genre ou son orientation sexuelle. La série d’animation Luz à Osville en est un parfait exemple. Il s’agit d’une série d’animation pour enfants et adolescents qui a la particularité d’avoir une protagoniste principale, Luz Noceda, bisexuelle, et entretenant une relation amoureuse avec le personnage féminin d’Amity Blight.
Amity Blight et Luz Noceda (de gauche à droite). Cette intégration de personnages et d’éléments de culture queers variés tout au long de la série, créée par l’animatrice et réalisatrice Dana Terrace (elle-même bisexuelle revendiquée depuis 2017), n’est pas présente pour remplir un cahier des charges ou pour compenser une politique réactionnaire. On peut au contraire sentir en la visionnant une réelle considération de la culture queer et une volonté dans son sous-texte de ne pas délaisser les personnes concernées, perçues comme marginales dans la société capitaliste.
Ainsi cette série d’animation ne montre pas un personnage bisexuelle et un couple LGBTQ+ par cynisme aigu, mais bien pour permettre au jeune public d’intégrer la notion d’acceptation de la communauté LGBTQ+ et de ses membres. Il s’agit de normaliser ces identités queers, pour faciliter le processus de tolérance envers eux-mêmes des jeunes concernés, car il faut se souvenir que la volonté de discriminer en fonction du genre ou de la sexualité entre dans l’intérêt capitaliste de diviser le prolétariat pour mieux le dominer.
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