Interpellation directe des responsables politiques. La lutte par l’humiliation

par | Mai 8, 2024 | Théorie, histoire et débats | 0 commentaires

Ce mois de mars à avril a vu se propager un mode d’action politique sur le terrain de la lutte contre le génocide des Palestiniens, une méthode rarement employée bien que connue et très souvent fantasmée par nous tous : l’interpellation directe des responsables politiques lors de leurs sorties publiques. Non pas avec les mains, ce serait trop beau (sauf si c’est pour crier « Montjoie Saint-Denis »), mais plutôt par les insultes.

Ainsi certaines très belles interventions ont été gâchées par l’irruption de jeunes activistes zélés qui avaient l’audace de dire à ces hommes de haute naissance, de haut pédigrée, une fraction infime de toute la rage et la misère que leurs décisions, non pas irresponsables, mais conscientes et organisées, causent aux jeunes femmes et aux jeunes hommes des classes populaires et aux peuples opprimés de la Terre. L’objectif est simple : contraindre ces décideurs génocidaires à abdiquer face à la pression des caméras, non pas par la discussion et l’explication, mais par le harcèlement et l’humiliation.

Ces actions ont concerné de multiples personnalités internationales. Aux Etats-Unis, le sénile Joe Biden a été interrompu lors de sa campagne à Atlanta le 6 mars, ainsi qu’en Caroline du Sud le 1er janvier. Kamala Harris, vice-présidente des Etats-Unis, a été interrompue lors de la journée internationale pour les droits des femmes le 8 mars à Phoenix. Nancy Pelosi, présidente de la chambre des représentants, s’est vue gâcher son discours à l’Université d’Etat d’Arizona le 8 avril, ainsi qu’au Westin Hotel le 23 janvier. Antony Blinken, secrétaire d’état, a dû supporter des activistes qui campaient devant sa maison de janvier à février, l’interpellant lorsqu’il passait à pied ou en voiture. Pour les Européens, le chancelier allemand Olaf Scholz a été coupé durant le 2ème plus gros salon du livre à Leipzig le 20 mars. Ce 18 avril, c’est la très non-élue présidente de la Commission Européenne Ursula Von Der Leyen qui était « mise en état d’arrestation citoyenne » lors d’un discours à Bruxelles. Toute cette liste est bien sûr non-exhaustive.

La plus interpellée de tous, c’est la deuxième femme la plus malfaisante au monde après Margaret Thatcher, Hilary Clinton, la candidate à la Présidence la plus enamourée de guerre de l’histoire des Etats-Unis qui se veut une héroïne du féminisme moderne. Dès novembre, des activistes l’attendaient devant un lieu de formation qu’elle animait. Rebelotte à l’Université de Colombie le 9 février et le 6 avril au Wellesley College. Le 19 février, au World Forum Event de Berlin, c’est pas moins de 4 activistes qui ont dû être trainés de force hors de la salle suite à 4 interventions successives. Enlevez-en un qu’un autre apparaît aussitôt ! Ami si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place…

Les plus petits ne sont pas épargnés. Le repas en ville du maire de San Antonio a été gâché, la petite fête du maire de Washington DC s’est faite plomber l’ambiance, la sénatrice Jeanne Shaheen ne peut plus se promener dans les couloirs tranquille et le maire de New York ne peut plus assurer une conférence municipale sans être importuné. Un vrai fléau ! « Tu es complice du génocide », « tu es un criminel de guerre », « le sang des Palestiniens est sur tes mains », « combien de femmes as-tu tué »… Recevoir tout cela en pleine poire alors qu’on voulait juste une conférence de campagne paisible, quel manque de politesse. Prière de nous laisser exterminer tranquille !

Quelle est la réaction des politiciens concernés ? Certains, lorsqu’ils sont en confiance, haussent le ton pour couvrir les importuns, comme Olaf Scholz, ou parfois Hilary Clinton. Mais généralement, ils se contentent de se taire, de regarder, et d’attendre que la « sécurité » fasse son œuvre. Joe Biden est plutôt adepte des regards patients et désintéressés, Hilary Clinton plus fréquemment arbore un sourire moqueur et insolent, mais la palme revient à Ursula Von Der Leyen, dont nous rappellerons qu’elle est très fière de son arbre généalogique rempli de nazis allemands et de grands marchands d’esclaves britanniques, qui croise les doigts, maintient un regard sévère, froid, avec un léger rictus cruel, et une lueur profondément inhumaine qui rend la vidéo beaucoup plus insoutenable que les haussements de voix irréguliers de l’activiste qu’on « escorte » là où il n’embêtera personne. Autant dire que « l’arrestation citoyenne », ça ne la fait pas rire du tout, ça a un arrière-goût de sans-culotte, ça lui donne envie de faire égorger tout Paris comme madame Véto.

Notre génération semble avoir compris quelque chose que les précédentes générations n’ont pas encore pleinement assimilé. Comprenons nous : il ne sert à rien de discuter avec les décideurs, de chercher à les raisonner. Les jeunes, furieux de voir la planète qu’on leur réserve, voient bien que ces responsables irresponsables ont une connaissance érudite des crimes qu’ils commettent. Il est très positif de faire s’accentuer la pression sur eux, d’aller les chercher, de leur faire sentir que les conséquences de leurs actes pourraient bien vite s’abattre sur eux, et de le faire sous les caméras des médias indépendants ou non.

Mais il y a quelque chose que tous les jeunes notre génération n’ont pas encore compris, et cela le marxisme nous l’enseigne : les classes dirigeantes se moquent éperdument de l’opinion des jeunes (et moins jeunes !) travailleurs, qu’ils soient étudiants, chômeurs, apprentis, ou salariés, tant qu’ils ne sont pas de la « haute », c’est à dire de chez eux. Loin de nous l’idée de rentrer dans de la psychologie de comptoir, de dire si leur fierté est totalement intouchée par les humiliations ou s’ils n’ont tout simplement pas de fierté, de dire qu’un tel est indifférent, l’autre est méprisant, un troisième en est ravi et un quatrième s’ennuie. Le constat pratique reste le même : ces gens se moquent éperdument de savoir s’ils sont aimés, s’ils sont haïs, s’ils sont adulés ou méprisés. Tout ce

qui les intéresse, c’est de préserver leurs intérêts de classe, de maintenir leur domination sur les secteurs industriels et financiers, et de perpétuer leur existence en tant que classe. Pour le reste, après moi le déluge.

Alors, les interpellations ont un intérêt certain : leur rappeler un fait qu’ils connaissent bien mieux que nous, car s’ils sont conscients des horreurs qu’ils commettent, ils sont aussi extrêmement conscients de leur fragilité, c’est-à-dire du fait que c’est nous qui possédons toute la puissance de la société, tout le pouvoir, nous les travailleurs qui constituons les nations. Nous qui avons coupé leurs têtes en 1789, en 1917, et partout où nous en avons eu l’occasion. C’est cela leur plus grande frayeur, la frayeur du raz-de-marée révolutionnaire, ou, comme l’appelait Lénine, « l’irruption brutale des masses au lieu où se règle leur destinée ».

D’ailleurs, il est à noter que Macron n’a jamais subi d’interpellation publique concernant son soutien à Israël. Les Français auraient l’occasion de faire quelque chose de très drôle.

Silco-JRCF

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