Le discours européen de Victor Hugo : un discours impérialiste

par | Fév 26, 2024 | Contre-culture | 0 commentaires

Nous aimons Victor Hugo. C’est sans nul doute un grand auteur de la langue française. Probablement le plus grand du XIXème siècle. Nous lui devons Les Misérables et sa fresque monumentale sur le peuple travailleur. On le connaît tous comme l’auteur de Notre Dame de Paris, un drame romantique magnifique qui occupe une place de choix dans notre imaginaire. Nous avons en tête les poèmes tristes des Contemplations, où il rappelle la douleur du père face à la mort de ses enfants. C’est aussi le poète politique de Ceux qui vivent sont ceux qui luttent ou de Joyeuse vie (une dénonciation générale des conditions de vie misérables de la classe ouvrière). Bien entendu, sur le plan politique, on se souvient de sa défense de l’interdiction du travail des enfants. Nous rappellerons qu’il est l’auteur de Quatrevingt-treize, un roman se déroulant pendant la Révolution française, dans sa période la plus bouillonnante, 1793, mettant face à face trois visions de la société (monarchiste, républicaine, socialiste). Enfin nous saluons sa défense des communards qui lui valut quelques vexations.

Malheureusement, Victor Hugo n’est pas marxiste, loin de là. Ni même toujours très favorable aux classes populaires, comme le démontrent les propos outranciers qu’il a tenus à propos des ouvriers révoltés de 1848.

Parmi les plus ardents défenseurs de l’Union européenne, il est coutumier de citer le discours de Victor Hugo du 21 aout 1849, prononcé lors de l’ouverture du Congrès de la paix, comme l’une des sources du projet nommé Union européenne. Souvent dans les extraits rapportés, on nous parle du projet de paix sur l’Europe, d’un avenir radieux où les peuples européens se donneront la main, où les canons se tairont et les oiseaux chanteront… c’est effectivement ce qu’on peut penser avec les extraits. Le problème c’est la suite… et là on voit que le projet d’Europe rime beaucoup avec projet colonial ! L’écrivain nous amène le thème du devoir de civilisation de l’homme blanc sur l’Asie et l’Afrique. On comprend mieux la fraternité entre les Européens et les colons américains…

Nous citons les passages concernés pour que ce soit clair (nous surlignons) :

« Donnez-les au travail, à l’intelligence, à l’industrie, au commerce, à la navigation, à l’agriculture, aux sciences, aux arts, et représentez-vous le résultat. Si, depuis trente-deux ans, cette gigantesque somme de cent vingt-huit milliards avait été dépensée de cette façon, l’Amérique, de son côté, aidant l’Europe, savez-vous ce qui serait arrivé ? La face du monde serait changée ! les isthmes seraient coupés, les fleuves creusés, les montagnes percées, les chemins de fer couvriraient les deux continents, la marine marchande du globe aurait centuplé, et il n’y aurait plus nulle part ni landes, ni jachères, ni marais ; on bâtirait des villes là où il n’y a encore que des écueils ; l’Asie serait rendue à la civilisation, l’Afrique serait rendue à l’homme ; la richesse jaillirait de toutes parts de toutes les veines du globe sous le travail de tous les hommes, et la misère s’évanouirait ! Et savez-vous ce qui s’évanouirait avec la misère ? Les révolutions. (Bravos prolongés.) Oui, la face du monde serait changée ! Au lieu de se déchirer entre soi, on se répandrait pacifiquement sur l’univers ! Au lieu de faire des révolutions, on ferait des colonies ! Au lieu d’apporter la barbarie à la civilisation, on apporterait la civilisation à la barbarie ! »

(…)

« Désormais, le but de la politique grande, de la politique vraie, le voici : faire reconnaître toutes les nationalités, restaurer l’unité historique des peuples et rallier cette unité à la civilisation par la paix, élargir sans cesse le groupe civilisé, donner le bon exemple aux peuples encore barbares, substituer les arbitrages aux batailles ; enfin, et ceci résume tout, faire prononcer par la justice le dernier mot que l’ancien monde faisait prononcer par la force. »

Bien sûr, nous serions de mauvaise foi en pensant que Victor Hugo voulait le pillage pur et simple des colonies. Il s’agit sans doute d’une philosophie idéaliste qui pense l’Occident comme le diapason de la civilisation et mérite de s’imposer au monde entier, ce qui est très contestable…

Les européistes préfèreront sans doute mettre l’accent sur la promotion du commerce entre les Européens dans son discours (ce qui est certes un des piliers du projet européiste), mais dans un monde où les forces impérialistes conspirent à faire avancer l’OTAN toujours plus à l’Est pour préparer la guerre « de haute intensité » avec la Russie et la Chine populaire sous le prétexte fallacieux de défendre les valeurs démocratiques (fallacieux car il ne s’applique ni à Israël ni au Qatar), voire à créer une armée de défense européenne, n’y a-t-il pas un peu de cette volonté de (néo)colonisation par un impérialisme à l’échelle européenne ? Nous le pensons. Et après le saut fédéral européen qui supprimera les derniers pouvoirs d’actions des États européens, on assistera sans doute au mélange des pires impérialismes de l’Europe, France comprise.

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